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8 juillet 2020

ANDRÉ CLAUDOT

ANDRÉ CLAUDOT ET BERNARD BAISSAT

 

Claudot diapo 8_0020

La rencontre.

 

En 1966 je suis journaliste stagiaire à la station de télévision régionale de Dijon,ORTF, inaugurée en 1965. Je m’intéresse aux activités culturelles de la Bourgogne. Mon directeur, Pascal Copeau, fils de l’homme de théâtre Jacques Copeau et compagnon de la Libération, me confie pour le journal télévisé de petits reportages sur les arts vivants, le cinéma, ou la peinture. Je réalise donc quelques courts sujets sur les vernissages dans des galeries de peinture. Plusieurs artistes me disent qu’ils sont des élèves d’André Claudot. Je ne sais pas qui est André Claudot. C’est le journaliste-écrivain bourguignon Louis Gerriet qui me renseigne et me conseille d’aller rencontrer André Claudot dans son atelier. Après avoir gravi les trois étages d’escaliers historiques du 3 rue Musette, j’arrive dans un lieu surprenant et magnifique. André Claudot me reçoit comme à son habitude avec rudesse et franchise. Le personnage m’intéresse et me séduit. Je lui demande l’autorisation de venir avec une équipe pour lui poser quelques questions sur son oeuvre et tourner des images dans son atelier. 

Dans un journal télévisé le sujet culturel n’a qu’une durée maximum de trois minutes. Le court reportage sur André Claudot me semble insuffisant pour rendre compte de la personnalité et de l’oeuvre d’André Claudot. Pour tourner un sujet de 13 ou 26 minutes il faut l’autorisation et les moyens techniques de la station régionale de Lyon. Peut-être à cause des engagements politiques affirmés d’André Claudot , je n’obtiendrai rien avant de quitter la station régionale de Dijon en 1967 pour un poste à Paris.

 

L’Italie:

Claudot, La Sonda_0002

 

Je suis correspondant d’une revue d’art italienne, La Sonda, depuis plusieurs années. J’invite le directeur, Antonio Bevilacqua, à venir rencontrer André Claudot à Dijon.  Antonio Bevilacqua apprécie beaucoup l’oeuvre d’André Claudot. Il lui consacre un long article dans sa revue. Je m’occupe des photos pour la couverture et le reportage. Antonio Bevilacqua organise aussi des expositions en Italie et notamment au festival des Deux Mondes de Spoleto. Il me charge d’amener des tableaux d’André Claudot, de Serge Fiorio, d’Edgar Mélik  et de petites sculptures de Michel Elia pour une exposition d’artistes français. Je dois transporter les oeuvres en Italie. Je rencontre d’énormes difficultés à la douane française qui m’oblige à faire de nombreuses déclarations à l’Académie des Beaux Arts. L’exposition rencontre un vrai succès auprès des visiteurs italiens qui font même des propositions d’achat, mais je suis obligé de les refuser en raison des tracasseries douanières. Je le regrette car je sais dans quelles conditions précaires vivent les artistes en France.

Je m’efforce alors d’aider André Claudot en l’invitant dans mon village familial de Saint-Vincent sur Jabron dans les Alpes de Haute Provence. Il fait un séjour de deux mois, avec Suzanne, dans une maison de ma mère et peint la Provence avec plaisir.

Antonio Bevilacqua l’invite ensuite à séjourner dans son village natal de Gallinaro en Italie. Il peint les personnages et les paysages de la Ciociaria et les expose dans une galerie de la région. 

En 1968, en poste à Paris, je continue à correspondre avec André Claudot. Je n’abandonne pas l’idée de lui consacrer un jour un documentaire digne de son art et de son engagement mais je dois malheureusement faire mon service militaire. Antimilitariste je réussis à échapper à l’armée en faisant un service civil en coopération dans une télévision africaine, au Niger, puis je travaille quelques années en Côte d’Ivoire et au Liban. André Claudot, toujours curieux de nouveaux paysages et de nouveaux sujets envisage plusieurs fois de me rejoindre mais la santé fragile de Suzanne ne lui permet pas de voyager.

 

Le film:

 

CLAUDOT PHOTO 3_0001

En 1976, je suis de retour en France. Je travaille à France 3 pour l’émission « Mosaïque » consacrée aux communautés étrangères. L’émission est placée sous la responsabilité de Stéphane Hessel .  Avec plusieurs réalisateurs nous proposons la réalisation d’une série de portraits d’artistes français et étrangers. J’essaie de convaincre la production de commencer par André Claudot qui exerce à proximité de Paris. J’envisage deux épisodes. Le premier sur l’engagement d’André Claudot avec un historien et le deuxième sur son oeuvre picturale avec un critique d’art. Je demande à André Claudot de m’envoyer une biographie complète pour remplir le dossier. Il me fait parvenir une notice du Dictionnaire du Mouvement Ouvrier français écrite par Jean Maitron. Cet historien est professeur à la Sorbonne et auteur du « Mouvement anarchiste en France ». Je lui écris pour lui demander s’il accepterait d’interroger André Claudot sur son itinéraire politique. Il accepte. Je contacte aussi le critique d’art Max-Pol Fouchet. Il connaît André Claudot et accepte d’assurer l’entretien sur la peinture. 

En mars 1978,  les élections législatives sont remportées par la droite malgré une remontée des partis de gauche qui a inquiété le pouvoir giscardien. Notre projet de film sur André Claudot est rejeté par la télévision française avec cette remarque: «  Nous n’allons pas faire la promotion d’un artiste anarco-communiste! ». Je suis déçu mais je ne veux pas décevoir Claudot à qui j’ai déjà parlé du projet de film. Je décide donc de financer moi-même le documentaire et de me faire aider par des amis professionnels: Tewfik Fares, Brahim Barkati, Hervé Chassain, Marie-Claude Rajon.

Jean Maitron, en vacances à Pouilly sur Loire, une région viticole pas trop éloignée de la Bourgogne, décide de se rendre directement à l’atelier de Dijon. Le tournage se fait en une journée et une partie de la nuit. André Claudot est heureux de rencontrer Jean Maitron. Il n’est pas du tout impressionné par la rigueur de l’historien. Il revit les périodes riches et parfois douloureuses de son parcours politique avec enthousiasme. Au cours de son récit il cite plusieurs artistes engagés qui l’ont influencé et plusieurs militants qui ont renforcé son engagement. Au montage Jean Maitron m’aide à préciser l’importance des personnages historiques que Claudot a fréquentés.

Le film terminé est refusé par la télévision française mais il est sélectionné au premier Festival du Réel du Centre Pompidou à Paris et dans de nombreux autres festivals en France et à l’étranger. Il est programmé dans plusieurs ciné-club et dans un cinéma proche de l’université de Dijon. Mais je n’ai pas, malheureusement, les moyens financiers de tourner la deuxième partie sur l’oeuvre artistique du peintre.  

 

Les expositions:

 

Pour compléter la démarche entreprise dans le film et faire mieux connaître la peinture d’André Claudot je souhaite organiser une nouvelle exposition rétrospective de ses oeuvres.

En 1979, je contacte à Dijon des peintres élèves de Claudot et des collectionneurs. Je suscite la création d’une Association des amis de Suzanne et André Claudot. Malgré plusieurs réunions de préparation rien n’est organisé en Bourgogne. 

 

1- 1978 - Pavillons sous bois ( Seine-Saint-Denis)

 

Habitant la région parisienne, j’essaie de trouver un lieu d’exposition près de Paris. André Claudot est membre du parti communiste. J’ai fait la connaissance du poète surréaliste Jean Marcenac qui est une grande figure de la résistance communiste dans le Sud-ouest, un écrivain dans les Lettres Françaises et surtout un critique d’art apprécié pour le journal l’Humanité. Je lui propose d’aller rendre visite à André Claudot dans son atelier dijonnais. Il est enthousiasmé par le personnage et l’oeuvre de Claudot. Il écrit un bel article qui doit être publié dans le journal l’Humanité quand l’exposition sera montée dans le grand Musée de la ville de Saint-Denis, en région parisienne, administrée par le parti communiste. Mais, au dernier moment, l’exposition est annulée sous un prétexte obscur. Profitant de l’Union de la gauche entre le parti socialiste et de parti communiste pour la préparation des élections présidentielles je m’adresse au Centre Culturel de Pavillons-sous-bois, administré par une municipalité socialiste et doté d’une grande galerie d’exposition et d’une belle salle de spectacle pour la projection du film.

L’exposition regroupe une soixantaine  de toiles. Elle est un vrai succès. Plusieurs articles sont publiés dans la presse nationale mais Claudot, qui séjourne dans notre appartement de Noisy-le-Grand, attend surtout la publication de l’article de Jean Marcenac dans l’Humanité. Cet article paraîtra presque le dernier jour de l’exposition. Claudot reconnaîtra alors que son esprit anarchiste n’est toujours pas accepté dans le parti communiste !

 

2- 1982, Dijon

 

Les amis dijonnais, dont certains sont venus visiter l’exposition de Pavillons-sous-bois, souhaitent organiser une exposition à Dijon. Ils obtiennent, en 1982 l’accord de Robert Poujade, maire de Dijon et ancien ministre de l’environnement. L’exposition est installée dans les superbes locaux du château des ducs de Bourgogne. Je prépare pour l’occasion un diaporama sur l’itinéraire pictural du peintre avec un récit audio d’André Claudot et des photos de ses oeuvres. Ayant pu me rendre en voyage à Pékin avant la destruction de l’école des Beaux Arts où Claudot a enseigné, puis à Hangzhou où il s’était réfugié avec ses élèves pendant la Révolution maoïste, j’ai pu enrichir le diaporama de quelques documents inédits.

Le jour du vernissage de l’exposition à Dijon, le maire, Robert Poujade, fait un discours remarquable de connaissance et de sensibilité sur André Claudot et son oeuvre. Malheureusement, André Claudot, déjà malade, n’a pas pu assister au vernissage. J’ai donc enregistré la présentation du maire sur une bande magnétique et je l’ai fait écouter à André Claudot. Il a été  très ému par le bel hommage qui lui a été rendu par le premier magistrat de sa ville natale.

Recueilli, après la mort de Suzanne, par la généreuse famille Kontratoff, André Claudot a continué à peindre jusqu’à sa mort. Comme plusieurs amis j’ai continué à lui rendre visite chaque fois que je pouvais passer dans la région dijonnaise. 

Après son décès, en 1982, j’ai été contacté en 2013 par un marchand d’art de Taïwan qui cherchait à acquérir  des oeuvres de Claudot et souhaitait projeter le film «  Ecoutez Claudot » en Chine, puis par un attaché culturel français en Chine qui voulait organiser une exposition d’André Claudot avec quelques uns de ses élèves chinois devenus des artistes reconnus dans leur pays. Les amateurs d’art chinois sont aujourd’hui très intéressés par l’oeuvre d’André Claudot.

 

 

 

 

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