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12 juillet 2005

INTERMITTENT 30 ANS

12 juillet 2005

INTERMITTENT 30 ANS

Pour l’ouverture du Festival d’Avignon cette année les intermittents avaient choisi de manifester au début du premier spectacle donné dans la cour du Palais de Papes en présence du ministre de la culture Donnedieu de Vabres. Ce ministre, qui a gardé son poste après le remaniement ministériel qui a suivi le référendum, doit certainement être récompensé pour avoir su calmer ou "  endormir " le intermittents après la gestion castratophique du dossier par Aillagon et l’arrêt des festivals de l’été en 2003.

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40 intermittents, qui avaient payé leur place, ont crié " dehors le ministre " pendant 20 minutes mais le spectacle, lui-même constitué de cris, a quand même pu commencer et se dérouler jusqu’au bout. Si les intermittents sont obligés d’intervenir à nouveau c’est que le dossier n’est toujours pas réglé malgré les promesses du gouvernement. Ce sont bien les patrons qui décident en France et non le ministre puisqu’ils refusent de rouvrir les négociations sur une décision destinée à protéger le système des Assedic pour que le monde de l’audiovisuel en profite mais que les artistes fassent les frais du soi-disant déficit.

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Je suis intermittent de l’audiovisuel depuis 30 ans. Lorsque j’ai choisi ce statut en 1975, c’était un statut intéressant. Il était l’héritier d’un statut négocié par les syndicats du cinéma à la Libération. Tous les Etats s’étaient rendu compte de l’importance du cinéma, y compris du cinéma de propagande, pendant le guerre. A la Libération, pour permettre aux techniciens et aux artistes qui avaient des temps de non-activité de garder leur métier et leur savoir-faire, les négociateurs avaient inventé un système qui permettait de donner une indemnité minimum à chaque travailleur pour qu’il reste dans le cinéma. Cette indemnité était égalitaire, elle n’était pas indexée sur le dernier salaire, mais elle pouvait varier légèrement en fonction des métiers.

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Etendu au théâtre, puis à la radio et à la télévision, le système a bien fonctionné au début, tant que les abus ne s’étaient pas installés. Il s’agissait de faire un minimum de 507 heures par an ( soit environ trois mois de travail continu) pour avoir droit pendant un an à une indemnité journalière. A la fin du mois, avec une activité normale, un réalisateur comme moi pouvait gagner environ le salaire d’un professeur de l’Education Nationale.

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Jusqu’en 1980 le régime des intermittents était correct et permettait même de pouvoir se consacrer à un temps de réflexion et de créativité. Puis la productivité faisant son apparition dans l’audiovisuel comme ailleurs, les temps de fabrication ont commencé à diminuer. Il fallait passer moins de temps à la préparation, travailler plus vite, ne plus réflêchir mais agir. Il fallait donc avoir plus de contrats puisqu’ils étaient de durée inférieure. Certains collègues ont commencé à décrocher et n’arrivaient plus à avoir leur 507 heures. Une fois sorti du système il était très difficile d’y revenir. Certains se sont retrouvés obligés de changer de métier, devenir par exemple commerçant, d’autres se sont retrouvés au RMI, d’autres enfin n’ont pas supporté leur situation et se sont suicidés. Et pourtant le pire n’était pas encore arrivé.
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A partir des années 1990, les socialistes se sont aperçus que les intermittents coûtaient cher. En effet, de nombreuses boîtes de production qui assuraient la production privée que les chaînes délocalisaient, ont utilisé le système pour déclarer tout leur personnel comme intermittent et ne le payer que pendant 507 heures, le reste étant payé par les Assedic. Dans le service public, non content de faire faire 80% et plus de production dans le privé, on a commencé à ne plus respecter les conventions collectives qui n’étaient pas renouvelées et on ne payait plus les temps de préparation, les temps de répétitions, les temps d’écriture, bientôt les temps de déplacement. On multipliait les stagiaires non payés qui faisaient le travail de professionnels et on instaurait la précarité et la compétition entre les intermittents. C’est dans le service public qu’il y a eu le plus d’abus.

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Le gouvernement Jospin a attendu la dernière séance de l’assemblée avant sa chute pour faire voter une garantie du système. Bien sûr cette garantie n’a pas été appliquée par la droite de retour au pouvoir et la première décision a été de provoquer une renégociation entre le patronat et les syndicats pour réduire les droits des intermittents, sous prétexte qu’il y avait un déficit et des abus. On a mis en avant quelques abus dûs à des salariés. On a fait courir des bruits disant que de grandes vedettes du cinéma touchaient les Assedic. On a obtenu, grâce à la trahison du syndicat CFDT, un nouveau statut plus contraignant pour les salariés mais qui ne résout aucun des abus du patronat. Les intermittents qui avaient du mal à rester dans le système sont exclus aujourd’hui. Les jeunes ne peuvent plus, sauf au prix de magouilles, entrer dans le système. La profession est menacée. Les métiers se perdent et les savoir faire avec. La précarité est telle que beaucoup d’artistes fragiles doivent abandonner.
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Alors les intermittents se sont révoltés. Pas assez nombreux pour envahir les rues, ils ont utilisé des méthodes de lutte directes et efficaces. Il s’agissait de populariser l’action et de faire comprendre aux autres salariés que leur situation était celle qui s’étendait aujourd’hui à tous les métiers et que tous les salariés étaient menacés. La population française et même la communauté artistique internationale a été favorable à ce mouvement. Les méthodes d’intervention n’ont pas toujours été approuvées mais j’ai participé avec plaisir à des actions. Il fallait parfois courir vite et je n'étais plus assez rapide mais je retrouvais un enthousiasme et un dynamisme qui redonnait du courage.

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2003 : maximum des actions. Le ministre Aillagon est renvoyé. 2004 : les promesses, les propositions des salariés et l’attente.

2005 : toujours l’attente. Malgré des règlements au cas par cas des situations les plus difficiles, femmes enceintes, artistes malades, aucune avancée ne permet d’améliorer la situation des intermittents.

Certains groupes actifs continuent à lutter. Je les approuve et je les soutiens. Rien ne se fera sans une pression des salariés et la nomination à la tête du patronat d’une femme encore plus libérale que le baron Seillière, ne laisse rien augurer de bon.

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