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22 juin 2005

anarchisme et cinéma 2

Comment est venue ton goût pour l’anarchisme, était-il déjà présent à cette période de ta vie ? Moi, je n’avais pas d’idées anarchistes au départ. L’anarchie, je l’ai découverte à travers des personnes qui se revendiquaient de l’anarchisme, et dont je me sentais proche. Ce que je savais déjà, c’est que je ne voulais pas être embrigadé dans un parti politique ou dans un syndicat. Lorsque je suis entré à la télévision, j’ai adhéré à la CGT, et puis en 1968, lorsque j’ai vu que le syndicat nous demandait de reprendre le travail alors que nous n’avions rien obtenu, je quittais la CGT. Ce qui ne m’empêche pas aujourd’hui de soutenir certaines de leurs actions. Mais, je ne faisais plus confiance aux dirigeants des syndicats, ni aux partis politiques, ni à rien du tout. Quand j’étais à Dijon, j’avais rencontré André Claudot, qui était un peintre connu de la région, antimilitariste, anarchiste. Il habitait dans l’atelier du sculpteur Pompon dans le Palais des Ducs de Bourgogne. La première fois que l’on rencontrait Claudot, il avait l’habitude d’agresser verbalement son visiteur. Ou bien on devenait un ami fidèle, ou bien on se sauvait immédiatement ! Moi, comme j’étais toujours intéressé par les artistes hors du commun, je suis devenu un ami inconditionnel de Claudot ! Je l’ai connu deux mois avant de quitter Dijon, j’ai fait un article pour la revue italienne sur lui. Je lui achetais le plus souvent possible des toiles car il n’avait pas beaucoup d’argent. On correspondait même lorsque je suis parti en Afrique. Lorsque je suis rentré en France en 1976, après les années passées à l’étranger, j’ai été employé sur la troisième chaîne de l’ORTF, et là je propose de faire un portrait sur Claudot, alors âgé de 82 ans. Je travaillais parallèlement à cela, dans l’émission " Mosaïque "( émission destinée aux populations d’origine étrangère) dont j’étais l’un des créateurs. Avec des amis techniciens de " Mosaïque ", nous décidons de partir un week-end pour réaliser ce portrait de Claudot. Claudot m’avait entre temps envoyé un article paru sur lui dans le Dictionnaire du mouvement ouvrier de Jean Maitron. Moi, je ne connaissais ni ce dictionnaire, ni Jean Maitron. Cela apportait de l’eau à mon moulin, car je voulais réaliser avec Tewfik Farés, des portraits d’artistes militants. En 1978, on donnait déjà la gauche gagnante aux prochaines élections législatives. Alors les responsables de la télé, qui sont toujours du côté du manche, commençaient à se dire que si la gauche devait arriver au pouvoir, il vaudrait mieux avoir quelques sujets de gauche sous le coude, pour ne pas être viré. Nous avons donc proposé à la troisième chaîne une série européenne d’une vingtaine de portraits d’artistes militants, deux artistes français, deux espagnols, deux italiens … On s’est dit que l’on pourrait faire un prototype avec Claudot. Cela n’était pas financé par la télé, mais financé par moi. Un copain réalisateur, Tewfik Farès, qui possédait une maison de production, nous a prêté l’intitulé de sa production. Je me suis dit que l’on allait traiter du côté militant de Claudot avec Jean Maitron et du côté artistique avec Max-Pol Fouchet. J’écris à Jean Maitron, qui habitait Pouilly sur Loire. Il me donne rendez-vous à Dijon. Face à Claudot, qui était un volcan, qui explosait … Jean Maitron était très précis, calme, modeste, posé. Je me suis dit que cela n’allait peut-être pas être évident. On a démarré le tournage autour de huit heures, neuf heures du soir. Pour Claudot, c’était l’heure où il commençait à s’activer ! Pour Maitron, homme organisé, c’était plus dûr. On a réalisé l’entretien jusqu’à deux heures ou trois heures du matin ! Jean Maitron était très choqué, parce que Claudot racontait l’histoire à sa façon, il bousculait les idées, il disait sur le Front Populaire des choses assez curieuses … Jean Maitron essayait toujours de rectifier. Malgré tout cela, Jean Maitron était content d’avoir rencontré André Claudot dont il avait rédigé la biographie pour le Dictionnaire. Jean Maitron m’a beaucoup aidé ensuite, au montage, à Paris, car lorsque Claudot citait un certain nombre de noms, comme Monatte, Rosmer ou d’autres … moi, je ne connaissais pas toutes ces personnes et c’est Jean Maitron qui m’a tout appris sur cette histoire du mouvement ouvrier français. Quand je suis allé le voir à Courbevoie, au milieu de ses papiers, de ses cahiers d’écoliers … il a été stupéfait que je lui pose tant de questions. Il m’a dit " Il faut que je fasse toute ton éducation ! ", c’est comme cela qu’il m’a passé des livres. Il était de son côté intéressé par le cinéma, il venait souvent à la salle de montage, mais il ne comprenait pas toujours nos choix ! Il aurait voulu que le film soit aussi précis que ses livres. Une fois les élections de 1978 passées, la gauche battue, nous sommes revenus voir la chaîne avec notre film terminé. La télé nous a rendu notre projet en disant, " Nous ne sommes pas là pour diffuser votre propagande anarcho-communiste ! ". Claudot avait été anarchiste jusqu’à la seconde Guerre Mondiale, puis communiste ensuite, en s’engageant dans le Front National Communiste de la résistance. Puis, il est entré au PC de Dijon, où il était assez mal accepté en raison de ses antécédents anars, et lui, pour se faire accepter par eux, en faisait plus que les communistes ! Je n’étais pas toujours d’accord avec lui pour cela ! Le film n’est jamais passé à la télévision, et c’est là que j’ai découvert le cinéma et ses possibilités. J’ai proposé le film dans des Festivals, à Lille, à Grenoble, à Florence ... Cela a très bien marché ! Contrairement à la télévision qui restait dans sa tour d’ivoire, qui ne s’ouvrait pas sur l’extérieur et qui préférait traiter toujours des mêmes sujets, j’ai pu constaté que dans les Festivals de cinéma, il y avait beaucoup de documentaires, de fictions, non distribués qui étaient bien plus intéressants. C’était le temps des Ciné-Clubs, des Maisons de la Culture, du cinéma militant ... Le Festival de Marcel Oms à Perpignan était formidable ! Je me suis dit alors que par le cinéma, j’arriverai sans doute à être plus libre et à faire davantage de choses. A la télévision, ils avaient tous peur de perdre leur place en diffusant des documentaires un peu subversifs. -Tu refuses tous les partis politiques ? Le seul parti où j’ai adhéré par erreur, c’était le parti des Verts. J’avais connu Dominique Voynet avec René Dumont, à qui j’avais consacré un portrait. J’ai pris ma carte pour soutenir une femme qui serait virée du gouvernement socialiste de Lionel Jospin si elle faisait son travail. Mais elle n’a pas été renvoyée et il y a eu la guerre du Kosovo. Les Verts demandaient, en plus des bombardements de l’Otan, une intervention de soldats au sol. La totale dans le militarisme ! Dans une réunion Alain Lipietz m’a empêché de m’exprimer contre cette idée folle. Je les ai traité de " staliniens " et j’ai quitté ce parti. Cela a été la seule adhésion de ma vie et ce sera la dernière ! Avec les partis politiques, j’ai vraiment du mal. Pourtant, j’ai plusieurs copains que j’apprécie chez les Verts et dans d’autres partis de gauche ou d’extrême gauche. Le problème dans les partis c’est qu’ils pensent surtout aux élections et à se partager les postes de pouvoir. Moi, je suis contre le pouvoir, je cherche à le réduire, à le renverser si c’est nécessaire, mais surtout pas à le prendre ou à l’imposer aux autres !   Tu as finalement eu connaissance de l’anarchisme par les gens que tu as rencontrés, interviewés … ? Oui, avec Claudot, j’ai compris comment il voyait l’antimilitarisme, les partis politiques qui utilisaient la classe ouvrière … J’étais totalement d’accord avec ce point de vue ! Je me suis dit que si c’était cela les idées anarchistes, alors je l’étais moi-même anarchiste! Mais la grande rencontre, c’est avec May Picqueray ! Quand je voyais des jeunes comme moi parmi mes copains de la télévision, très vite abattus, découragés, sans ressort, et que je les comparais avec tous ces vieux que je filmais, qui avaient pris des claques toute leur vie, et qui avaient tous gardé une pêche incroyable au-delà de 75 ans, je me disais qu’il fallait leur laisser la parole pour qu’ils nous redonnent de l’espoir ! May Picqueray était un bon exemple, elle " engueulait " les jeunes parce qu’ils ne bougeaient pas assez ! On se " foutait de ma gueule " parce que je m’intéressais aux gens à partir de 80 ans. Chez eux, je voyais une courage énorme, un espoir ! Jean Maitron s’était pris au jeu et m’indiquait toutes les personnalités du mouvement anarchiste comme May. Je suis allé chez May Picqueray, au Pré Saint Gervais, avec Robert Brecy, qui réalisait un ouvrage sur les chansons révolutionnaires. Il venait voir May Picqueray pour retrouver les airs des chansons interprêtées sur " un air connu ". Cette femme connaissait beaucoup de chansons et savait dire ses quatre vérités à chacun. Elle l’avait fait devant Lénine et Trosky et ne ménageait personne. Moi, j’avais cette capacité d’accepter les " engueulades " parce que je savais qu’en face de moi, il y avait quelqu’un d’exceptionnel ! Lorsque j’ai voulu faire ce film, je n’ai pas attendu des subventions, je me suis dit que si je ne le faisais pas avec mes propres moyens, le film ne se ferait jamais. Je payais les techniciens et le laboratoire. Le film sur May Picqueray s’est vendu pour la première fois à la télévision suisse et il est sorti en salle, à Paris, au Saint André des Arts, grâce à Roger Diamentis. Ce qui a fait que je suis entré dans mes frais. Avec le petit bénéfice que je réalisais, je pouvais ainsi réinvestir l’argent dans un prochain film et ainsi de suite … May Picqueray n’avait pas viré de bord, elle était restée foncièrement anar ! C’est elle qui m’a apprit toutes les bases théoriques anarchistes. En plus, elle m’a fait rencontrer Radio Libertaire, la Librairie du Monde Libertaire … Avec elle, j’ai compris que l’on ne pouvait pas mettre plusieurs anarchistes ensemble ! Dès qu’ils formaient un groupe, ils perdaient un peu de leur pureté anarchiste. Chacun avait son opinion et personne de voulait faire de concession. Elle, par exemple, acceptait mal la critique. A côté de cela, c’était quelqu’un d’un extraordinaire courage, elle se mettait en danger pour ses idées. J’étais très sensible à toutes ces personnes et à leurs idées. Ma formation n’est donc pas théorique, je lisais au fur et à mesure les textes anarchistes que me passait Maitron ou May Picqueray. J’ai davantage vécu l’anarchisme dans la pratique. Je me disais que si tout le monde était anarchiste, il n’y aurait pas de pouvoir, et ce serait formidable ! On partagerait ses idées par la discussion et l’exemple. Cela me convenait parfaitement, parce que je ne veux rien imposer aux autres. Il faudrait enfin se prendre en charge soi-même, et pas aller " cirer les pompes " de ses patrons. Mais de l’anarchisme n’est véhiculée que la violence. Certes May Picqueray était violente dans sa démarche, mais Eugène Bizeau, poète vigneron de Touraine, par exemple, était non-violent. Il m’a beaucoup influencé, car je me sentais beaucoup plus à l’aise dans ce volet de l’anarchie. J’ai été éduqués par des Africains. C’est aussi une des raisons de ma non-violence, car les Africains jugeaient les gens supérieurs, les " chefs ", par leur capacité à se maîtriser, à éviter la violence. Pour moi, c’étaient des chefs anars ! On sent que tu es très en retrait par rapport aux personnes que tu filmes, tu fixes vraiment la personnalité de ton sujet, on ne voit pas du tout le réalisateur derrière le film. Est-ce volontaire ?   Le film sur Claudot a été projeté dans un cours de Marc Ferro à l’école des Hautes Etudes où il y avait de grosses têtes de l’histoire et du cinéma. On avait utilisé un miroir dans le film. Après la projection des spectateurs ont commencé à exposer de grandes théories sur l’utilisation du miroir au cinéma. Je les ai un peu déçus lorsque je leur ai révélé qu’il n’y avait aucune intention esthétique dans ce choix mais que j’avais utilisé le miroir qui se trouvait dans l’atelier du peintre pour de simples raisons pratiques. Mais il y avait peut-être une intention inconsciente ! Mon intérêt à moi, c’est de donner la parole aux personnes qui ne l’ont pas quand il est encore temps, de sauver un patrimoine humain. De plus, beaucoup des gens que j’ai filmés étaient aussi des personnalités artistiques comme Bizeau, poète, May Picqueray qui avait écrit un livre … Si j’avais voulu faire une carrière de cinéaste avec notoriété, je serais aller interviewer des gens connus. On m’a reproché parfois d’être au service des personnalités que je filmais, que je ne les poussais pas assez dans leurs retranchements … Mais moi, je n’étais rien à côté d’eux. Par exemple, pour May Picqueray, on m’a reproché de ne pas l’avoir plus interroger sur l’amour libre, qu’elle revendiquait. Ce n’était pas ce qui m’intéressait chez elle, ce qui me passionnait c’était sa démarche pour les objecteurs de conscience. Si elle avait eu envie de parler de ses amours, je pense qu’elle l’aurait fait. Moi, je la laissais libre, je n’étais pas là pour la pousser.   Y a-t-il une trame scénaristique à la base ? Comment se déroule le tournage ?   Le travail ne se voit pas, mais il est important. Ce qui est bien, c’est quand il ne se voit pas, comme au cirque. Déjà, il faut connaître les gens, et qu’ils aient envie de parler. L’âge, et le fait qu’elles n’aient plus d’ambitions et de réserves, permet aux personnes d’être plus sincères. Moi, j’aime quand les gens sont complètement libres dans leur esprit, et qu’ils n’aient plus rien à vendre ou à faire valoir. A partir de 80 ans, on peut commencer à voir la vie d’un peu plus haut. Avant d’aller les voir, j’essaye de me documenter au maximum. Pour Claudot, je n’avais pas l’expérience, et finalement c’est Jean Maitron qui a posé les questions. Mais des questions tellement précises, que moi, je ne suivais pas. Les historiens ne font pas un travail de spectacle. Moi, je tiens à faire ressortir les personnalités, la sensibilité et l’émotion, autant que les faits. Par la suite, j’ai posé moi-même les questions. Le tournage peut s’étaler sur six mois parfois et même deux ans, afin de prendre vraiment contact, afin de prendre connaissance de toutes les données historiques … Ensuite, je prépare les questions. Quand on raconte la vie d’une personne, il vaut mieux se référer à la chronologie. Je vais vers des choses très simples, parce que je suis assez primaire. J’ai besoin d’être compris par les spectateurs : cela c’est l’école de la télévision. Je ne fais pas de l’esthétisme. Le tournage s’étale sur un an, un an et demi. Et puis je monte, pendant un ou deux mois, suivants les films. A ce moment là, on refait un travail de réalisation au montage. Dans le documentaire, le monteur amène beaucoup à la réalisation. Il apporte l’œil neuf du spectateur, la construction, les sensations, les émotions. Je fais en sorte que l’on s’attache à la personne qui est filmée. Je veux que l’on aime ces gens, parce que moi, je les ai aimés ! Après, que l’on reconnaisse un style Bernard Baissat ou un autre, ce n’est pas mon affaire. Dans presque toutes les critiques parues sur mes films, les journalistes ne parlaient que du sujet, et jamais de moi. J’en étais très content. Ce qui ne veut pas dire que cela ne me fait pas plaisir de recevoir des personnes qui viennent me voir pour faire une thèse ! Quels sont les personnalités qui t’ont le plus marqué ?   May Picqueray. Jeanne Humbert. Eugène Bizeau. Mouna, René Dumont, Mireille Jospin … C’est le hasard aussi qui fait que je rencontre des personnes étonnantes. Souvent, il est arrivé que parmi les spectateurs qui venaient visionner mes films, il y en ait certains qui m’indiquent d’autres personnalités à aller rencontrer et interviewer. Pour Mouna, c’est lorsque j’ai fini le film sur le Canard enchaîné. Cabu venait tout juste de terminer des dessins pour l’ouvrage sur Mouna d’Anne Galois. Il m’a incité à faire un film sur Mouna qu’il avait déjà dessiné dans La Gueule Ouverte. Je ne connaissais que le Mouna de la rue parisienne et du festival d’Avignon. En le suivant, en allant le voir, en allant manger au restaurant avec lui … un beau jour il m’a fait entrer chez lui pour prendre quelque chose. Finalement, on a tourné dans son modeste studio du Boulevard de Clichy, lieu assez secret et intime. Mouna ensuite me téléphonait tous les jours pour m’annoncer de nouvelles manifs auxquelles il participait, pour que j’aille tourner ! Au bout d’un an j’ai décidé de monter le film sinon on allait se retrouver avec des centaines d’heures de rushes. Moi, ce qui m’intéressait, ce n’était pas tant le Mouna de la rue que beaucoup de gens connaissaient, mais plutôt celui dont on ne savait rien, celui qui avait vécu la misère et vivait encore dans la pauvreté … Il avait aussi un caractère difficile, mais comme tous ceux que j’ai rencontrés, comme René Dumont qui était un ami de Robert et Mireille Jospin.   La dernière fois que nous nous étions vus, tu étais en tournage pour le film sur Mireille Jospin, où en est-il aujourd’hui ? Il est fait. Mireille Jospin s’est donné la mort, en 2002. Je le savais à l’avance, elle en parlait déjà sur le tournage. D’une certaine manière, le film l’a fait un peu patienter. Elle faisait partie de l’ADMD ( Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité), elle avait programmé sa mort. Sage femme depuis l’âge de 19 ans, elle voulait parler de son combat de femme pour le contrôle des naissances, contre l’excision, contre les violences faites aux femmes … Elle ne voulait surtout pas que l’on parle de la mère du Premier Ministre. Cela me convenait parfaitement car c’était mon intention de départ. Le film a été produit par d’autres que moi, par La Lanterne. Le régime d’intermittent ne me permet plus de travailler comme avant quatre à cinq mois, pour l’alimentaire et le reste de l’année pour des projets qui me tiennent à cœur. Maintenant, je travaille toute l’année, de manière éclatée et j’arrive difficilement à conserver ce régime du spectacle aujourd’hui très menacé. Ce qui devient aussi très difficile aujourd’hui, c’est la diffusion. Lorsque Lionel Jospin était premier Ministre, sa sœur Noëlle Châtelet, nous avait dit que le film de Mireille Jospin pourrait passer sur France 2. France 2 ne l’a jamais diffusé, peut-être parce qu’il y avait des choses qui gênaient dans le film … Quand la chaîne s’est décidée à le diffuser, cela tombait justement au moment de la campagne électorale, et le diffuseur a considéré que ce film pouvait faire partie du temps de parole du Parti Socialiste. Chose étonnante puisqu’il n’était pas question du parti socialiste. Manque de chance ! Lionel Jospin est battu en 2002. Je propose le film à France 3, et là, une responsable des programmes m’envoie une lettre, pire que ce que l’on écrivait sous le Général De Gaulle. Elle me disait que, considérant que Lionel Jospin n’était plus premier Ministre, on ne voyait pas " l’opportunité " de diffuser un portrait de sa mère. Pour ne pas se mettre mal avec le nouveau gouvernement, il fallait faire profil bas. Le film reste en attente aujourd’hui, les droits viennent d’être achetés par le patron de TV5, qui voulait le diffuser il y a un an pour le jour des femmes. Je lui ai répondu que cela ne collait pas trop avec le personnage de Mireille Jospin, qui n’appréciait pas ce type de célébration. La chaîne a dit qu’elle le projetterait avant les grandes vacances de cette année, et puis, ensuite, pendant le mois d’août … Voilà, on attend. Ils ont payé les droits, mais ils ne le diffusent pas. C’est aussi une bonne manière de bloquer le film. Comment les anarchistes reçoivent tes films ?   Je n’ai aucun retour, je ne sais même pas quand mes films sont projetés. C’est cela l’utilisation anar des films ! Le film appartient à tout le monde ! Je ne leur en veux pas. Souvent, c’est par Le Monde libertaire que j’apprends que le film sur May Picqueray passe tel jour, à telle heure, dans telle ville… Ils l’ont même transféré en DVD à partir d’une copie VHS. Je n’étais pas contre mais j’aurai préféré que cela se fasse à partir de la matrice du film pour faire quelque chose de correct ! Par contre, ce qui est très agréable chez les anars, c’est que certains d’entre eux ont toute la collection de mes films, et qu’ils m’écrivent pour partager leurs points de vues, ou pour réclamer encore d’autres films ! Les Citoyens du monde, dont je fais partie, ont aussi la même démarche. C’est sûr que ce n’est pas avec les projections des anars que je pourrai faire d’autres films ! Il faut dire aussi qu’une fois le film réalisé, je ne m’y intéresse plus trop, je suis un très mauvais commerçant. Même des anars, comme Alexandre Skirda, me disent que je devrais davantage suivre mes affaires. Je vis d’autres choses, aussi je n’attends pas de retombée économique des films que je conçois. Je suis un fabricant, mais pas un distributeur ! Pour moi l’essentiel est de faire de nouveaux films. Il y a encore beaucoup trop de sujets que je souhaiterais réaliser.   Est-ce que tu as connaissance d’autres documentaristes anarchistes ?   Richard Prost, je ne le connais pas, mais j’apprécie beaucoup ses films. Pierre Carles, je trouve cela vraiment très bien, son film sur le travail et " Pas vu, Pas pris " … Frédéric Goldbronn, je ne le connais pas. Mais, j’aime " Les Diggers de San Francisco " … J’ai pu voir un certain nombre de choses sur l’alter mondialisme, en travaillant sur Canal Web et les émissions d’Histoire sociale que je produisais avec Claude Pennetier, l’actuel directeur du Dictionnaire Maitron. Je crois beaucoup à la diffusion audiovisuelle sur Internet et je regrette que Canal Web se soit arrêté. Je trouve par exemple que le travail de Mikaël Moore, c’est une approche libertaire du monde, Depardon, de même. Et pourtant, ils ne sont pas estampillés anars. De même pour les gens que j’ai pu filmer, tous n’étaient pas anars, comme Mouna par exemple. Mais moi, ce qui m’intéresse ce sont les attitudes libertaires, des attitudes de vie. Les plus purs dans leur démarche anar étaient sûrement Bizeau et Picqueray. Ce qui m’intéresse aussi, ce sont les personnes qui ont fait des erreurs de parcours dans leur vie, cela prouve que les personnes sont humaines. Par exemple, Claudot, les anars ne tiennent pas vraiment à le diffuser parce qu’il a trahi la cause libertaire en devenant communiste. Mais en réalité, Claudot continuait dans son comportement à être anar. On a encore besoin aujourd’hui, et peut-être plus que jamais, d’esprits libres, critiques et courageux pour comprendre le monde dans lequel nous vivons , réveiller les consciences et préparer les changements souhaités. Le combat continue !
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