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23 février 2021

ALFRED CAMPOZET, PACIFISTE INTÉGRAL

ALFRED CAMPOZET (1910-2003), PACIFISTE INTEGRAL

 

Campozet

Maçon et poète, lecteur passionné de Giono, Alfred Campozet  rejoint le Contadour en 1937 par hasard pour restaurer les bâtiments. Bientôt ami de Lucien Jacques et de Jean Giono, il devient l’un des rédacteurs des « Cahiers du Contadour ». Pacifiste intégral, il est le seul Contadourien à ne pas obéir à l’ordre de mobilisation en 1939. 

Jacques Le Gall note dans le «  Dictionnaire Giono »:« Arrêté, il est emprisonné à Clairvaux comme objecteur de conscience. Il profite d’un bombardement pour se faire la belle. Il est repris en compagnie de son ami Jehan Mayoux. Considéré par erreur comme prisonnier de guerre, il est interné en Allemagne. Ses tentatives d’évasion échouent mais il correspond avec Lucien Jacques et il écrit «  L’homme aux pieds de verre » récit mi-fantastique mi-réaliste ».

 

En 1980, Alfred Campozet écrit « Le pain d’étoiles, Giono au Contadour ». Le livre est réédité en 2020. Il raconte avec beaucoup d’humour son arrivée au Contadour et sa vie avec «  la bande à Giono ». Il note: « Malgré l’absence de règles ça marchait; ça marchait même très bien. Il n’y avait ni tours de corvées, ni rôles, ni listes. Pas d’heure fixe pour telle ou telle tâche. Travaillait qui voulait. Pourtant tout se faisait: les maisons étaient balayées, l’eau, le bois arrivaient à temps, on cuisinait et fort bien. Il y eut beaucoup de dévouements, très peu de dérobades. » Son témoignage sur la recherche du bonheur dans des condifions d’existence rudimentaires est amusant. 

«  Après une vigoureuse campagne anti-féculents menée par Jean Giono et Lucien Jacques qui proclamaient qu’on n’avait pas le droit de se dire pacifiste si on se nourrissait d’un rata de caserne, grâce au génie culinaire de deux ou trois «  saintes femmes » notre table eût mérité plusieurs fourchettes dans le guide du bien-manger »

« On était très gais au Contadour. On riait beaucoup…On riait simplement parce qu’on était jeune, parce qu’ensemble et heureux d’être ensemble ».

 

Les intellectuels présents au Contadour partageaient aussi les idées pacifistes de Giono: «  Il y eut les lectures de «  Refus d’obéissance » qu’écoutaient avec passion ces hommes pour qui la Paix et la Liberté n’étaient pas des notions abstraites, mais une nourriture aussi essentielle que le pain »

En 1938 les menaces de guerre inquiètent les Contadouriens. Alfred Campozet écrit: «  Il y eut Munich.

Oui nous sommes de ceux qui se réjouirent, de ceux qui dirent «  Ouf ! », de ceux qui proclamèrent : «  Je n’ai honte d’aucune paix, j’ai honte de toutes les guerres ». On peut bien dire aujourd’hui que nous fûmes des lâches ou des pigeons. Nous le fûmes comme les milliers de Parisiens qui au Bourget acclamèrent non pas le pâle Daladier, mais la Paix , la Paix sauvée. Sauvée pour longtemps ? Qu’en savait-on? « 

«  Les menaces de guerre n’ont que trop souvent jeté alors une ombre sur notre joie: l’idée de Paix a trop souvent été au centre de nos débats pour que je ne pense à ceux, mes camarades de 1938, qui n’ont pas cessé de s’interroger sur le choix que nous fîmes, à ceux qui n’ont pas cessé de croire que c’était le bon choix, à ceux qui ne le croient plus ou qui doutent, à ceux qui m’écrivent: « Nous n’avons pas à rougir d’avoir été pacifistes ». A ceux, plus jeunes, qui une fois encore se laisseront prendre au piège de « la guerre juste ».

 

Dans la tourmente Alfred Campozet reste serein: « Cette sérénité venait surtout, je pense, d’une certitude, celle que quoi qu’il advienne, je resterais fidèle à moi-même, d’accord avec la décision que j’avais prise depuis longtemps de ne pas obéir. Naguère j’avais pu en douter, me dire que le moment venu je flancherais . Septembre 1938 et son début de mobilisation avaient été une épreuve. Vienne la guerre. Je n’obéirai pas. »

Et il ajoute: «  Ce fut au Revest-du-Bion où j’étais descendu pour quelques achats que je vis coller la première affiche de mobilisation….Le soir-même, Giono, Joset, Daniel et moi, nous allions coller des papillons sur les affiches dans les villages des environs. Imprimés avec des moyens de fortune, ils ne portaient qu’un seul mot: « Non ». D’autres, que nous collâmes à la porte des églises, disaient: «  Tu ne tueras point ». C’était sans doute dérisoire, sans portée, mais nous avions besoin de le faire, même si ça ne servait à rien. »

 

Nous savons que Jean Giono, ancien combattant de la guerre 14/18, finira par répondre à la mobilisation de 1939.  Alfred Campozet raconte qu’avant de quitter le Contadour Giono s’est adressé à lui: «  Une fois de plus Giono me dit de ne pas me croire engagé vis-à-vis de lui. Je lui dis que j’avais fait mon compte, seul et depuis longtemps: que je n’étais pas devenu pacifiste pour l’avoir rencontré mais que je l’avais rencontré parce que j’étais pacifiste. Nous nous embrassâmes et peu après je montai à la bergerie de Justin ». 

Ce livre nous révèle l’aspect humain, attachant et poétique du groupe de pacifistes du Contadour qui vécurent une expérience inoubliable auprès de Lucien Jacques et Jean Giono.

 

 Alfred Compozet: «  Le pain d’étoiles, Giono au Contadour », La Thébaïde, 2020, 20 euros. Première édition: Périgueux, Pierre Fanlac, 1980.

 

 

 

  

 

 

 

 

 

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