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25 septembre 2005

CHOMAGE HUMILIATION

CHOMAGE HUMILIATION 25 septembre 2005 Pour la énième fois, le gouvernement français ( cette fois, c'est Villepin, mais les autres fois c'était pareil) vient de prendre des mesures pour faire baisser le nombre de chômeurs. Comme il n'y a pas de travail et qu'il y en aura de moins en moins, le meilleur moyen est bien-sûr de supprimer les chômeurs des statistiques. Il y plusieurs manières de procéder: soit en trafiquant les chiffres soit en mettant les chômeurs dans une position de faute ( non réponse à une convocation tardive, non retour d'un courrier inutile...) pour pouvoir les rayer des listes. Ce que les gouvernants ne veulent pas savoir c'est dans quelle position d'humiliation ils mettent à nouveau les chômeurs, des personnes déjà culpabilisées car elles ne se sentent plus utiles à la société. J'ai connu cette situation pendant trente ans comme intermittent du spectacle. Je suis maintenant à la retraite. Rien n'a changé dans ma vie puisque je continue à travailler comme avant mais un énorme poids a disparu: la crainte de la faute qui va vous éjecter du système et vous empêcher de continuer votre métier. J'ai beaucoup de camarades qui sont tombé(e)s et qui ont fini(e)s parfois de façon tragique. La première fois que j'ai répondu à la question: "- Quel est votre employeur principal? - les Assedics", on a cru que je plaisantais. C'était en 1976. Le régime des intermittents du spectacle n'était pas bien connu en dehors de la télévision. Je faisais des films pour la Régie Renault. Ils ne voulaient déjà plus embaucher personne de façon définitive et l'administration de Renault voulait s'assurer que j'avais déjà un employeur principal pour que je ne vienne pas un jour leur demander de m'embaucher définitivement. Bien-sûr que je pouvais répondre France 3, puisque l'essentiel de mon activité se passait dans cette boîte, mais j'ai préféré faire connaître les Assedic parce que je pressentais déjà que ce serait notre destinée d'être condamné à un travail précaire. Je ne me suis pas trompé. A part un épisode exceptionnel en trente ans où j'ai eu un contrat de deux ans et où j'ai dû d'ailleurs me réinscrire aux Assedic, ce qui ne fut pas simple!, j'ai gardé le même statut jusqu'à la fin de mon activité salariée. Que subit-on quand on est chômeur ou assimilé? D'abord personne ne sait où vous situer. "On te voit à la télé. Dans quelle chaîne tu travailles?" "- Aucune, puisque personne ne veut de moi". "Comment tu gagnes ton argent? Tu voyages, tu as la belle vie!". A-t-on le choix? Dans ce monde du paraître il faut tout accepter, avoir l'air content de ce que l'on fait et remercier de s'être fait exploité. Car, naturellement il n'est jamais possible de discuter sérieusement les conditions de travail. Je n'ai pas trop à me plaindre car je faisais un travail qui me plaisait et que j'ai pu me défendre pour ne pas travailler tout le temps dans des conditions impossibles. Mais on faisait naturellement appel à moi quand les personnes de l'intérieur trouvaient ce travail trop pénible, trop risqué, pas assez valorisant, pas assez payé. En trente ans, j'ai rempli des centaines de demandes d'emploi bidon puisqu'il fallait prouver chaque année que l'on cherchait du travail. J'envoyais un courrier à des employeurs en leur précisant bien qu'ils pouvaient me répondre non sans scrupules car c'était une démarche administrative. Ils avaient d'ailleurs tous les mêmes formules puisque nous étions des centaines à envoyer des lettres bidon aux quelques employeurs du secteur d'activité. Jamais, en trente ans, je n'ai eu de proposition d'un employeur et je n'ai dû refuser un travail, puisque jamais, en trente ans, l'ANPE ne m'a proposé quoique ce soit. Ils nous envoyaient des formulaires du genre: " vous êtes chômeur longue durée, accepteriez-vous une autre activité?" J'ai toujours répondu: " Oui, n'importe quoi". Je répondais pour voir. J'ai vu: aucune proposition. J'avais testé cette formule quand je traversais une période difficile. Après avoir travaillé deux ans pour un seul employeur j'avais perdu des contacts. Mes amis pensaient que j'avais abandonné le métier puisque je ne venais plus les solliciter. J'ai alors pensé sérieusement quitter l'audiovisuel et postuler pour un poste dans l'éducation nationale que j'avais fui dès le début de ma carrière parce que c'est trop difficile et que je n'étais pas fait pour ça. Alors, aller se vendre, même à des amis, c'est difficile quand on perd l'estime de soi. Et tout est fait pour que l'on perde l'estime de soi. Les démarches administratives humiliantes dans des lieux inhumains avec des employés submergés et excédés. La chance est lorsque l'on pouvait nouer le dialogue avec des employés des Assedic qui avaient eux-mêmes perdu leur emploi et qui se retrouvaient chez le seul employeur qui ne manquerait jamais de travail. Ils nous écoutaient et trouvaient souvent une solution pour nous simplifier les démarches, mais c'était rare! J'ai même rencontré une fois un jeune homme musicien qui avait décidé d'aider les gens du spectacle et avait organiser un réseau pour les artistes au sein des Assedic. Il était plein d'enthousiasme. Il était sûr de réussir. Je n'ai pas voulu le décevoir et j'ai accepté de m'inscrire et de remplir ses formulaires. Mais, malheureusement, comme d'habitude, cela n'a eu aucune suite. Dans ce monde de compétition et de lutte pour la survie on ne pouvait compter que sur soi. Les collègues évitaient de vous donner des informations ou des pistes car chacun gardait jalousement ses tuyaux. C'est ce qui m'avait frappé, à mon retour en France, après un séjour de 10 ans à l'étranger. Aucun des amis que j'avais quittés en 1968 ne parlait de son travail et ne donnait des infos sur les émissions où il y avait des possibilités. Comme j'avais fait beaucoup de télévision en direct et qu'il n'y avait pas encore beaucoup de réalisateurs en France qui étaient spécialisés dans ce type de travail, je pensais naïvement que ce ne serait pas trop difficile de trouver du travail dans ce créneau. Mais c'était " chasse gardée" et il ne fallait attendre aucune aide des copains. Alors quand les cadres ont commencé à être touchés par le chômage. Quand les gens ont tous connu un ami ou un parent qui sombrait. Quand les gens se sont rendus compte que les chômeurs n'étaient pas tous des incapables, des fainéants, des paresseux et des profiteurs, la perception a commencé à changer et les gens ont pensé que, peut-être, le gouvernement pourrait faire quelque chose. Et comme le gouvernement, dans une économie libérale, ne peut pas faire grand chose, il essaie à nouveau de faire porter le chapeau aux chômeurs. Comment? En faisant croire qu'il y a plein d'emplois non pourvus. Personne ne donnent les conditions déplorables de ces emplois dans la restauration, dans la santé, dans l'agriculture, et surtout dans le bâtiment où les accidents du travail se multiplient. Les gens maintenant ne sont plus dupes de ce discours, mais les chômeurs se sentent une fois de plus montrés du doigt, humiliés. Prisonnier d'un système administratif de plus en plus contraignant, ils ont déjà perdu leur liberté. Que cherche-t-on? Faut-il recréer les bagnes pour se débarrasser de tous ces pauvres qui nous encombrent et qui nous coûtent cher? Certains y pensent! C'était la solution trouvée au début du capitalisme industriel. On envoyait les pauvres dans des colonies ou des terres "vierges" pour une "nouvelle naissance" par le travail. Le résultat fut catastrophique. La plupart des déplacés ne connaissaient pas le travail de la terre dans un milieu hostile et la plupart sont restés pauvres. Quelques uns seulement ont pensé qu'ils était plus facile de s'enrichir en faisant travailler les autres et certains ont réussi à s'en sortir en exploitant les autres. Quelle est la solution? Dans un pays riche comme le nôtre la seule solution est de donner un revenu minimum à chaque habitant. La richesse du pays divisée par le nombre d'habitants suffit largement à couvrir les besoins vitaux. Des économistes ont fait les calculs et ça fonctionne déjà dans quelques pays. Muni de ce revenu minimum chaque citoyen pourra se rendre utile à la société sans avoir à se préoccuper du lendemain et de la survie de ses enfants. C'est ce que nous faisons tous les jours quand nous nous occupons de notre famille, de notre maison, de notre jardin si nous avons la chance d'en avoir un, quand nous rendons service aux amis ou aux voisins. Comme le travail va disparaître de plus en plus et qu'il ne faut déjà plus que quelques personnes pour accomplir des tâches qui autrefois nécessitaient des centaines de personnes, le travail sera laissé à la volonté de chacun comme une option, un plus, avec bien-sûr un salaire de récompense mais non plus un salaire vital pour manger. Car le chômage n'est pas un phénomène naturel. Il a été organisé par la société capitaliste pour faire accepter des conditions de travail déplorable, pour faire pression sur ceux qui ont encore un travail stable, pour fragiliser ceux qui seraient trop exigeants, pour jeter ceux qui se servent plus à l'enrichissement des actionnaires. Alors militons pour le "revenu universel", le seul qui oblige à la répartition des richesses et à la justice.
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