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14 août 2023

À BAS L'ARMÉE

À BAS L’ARMÉE !

A bas l'ARMÉE

 

En mai 2023, les Editions de la Sorbonne ont choisi le bon moment pour publier le livre « À BAS L’ARMÉE ! L’antimilitarisme en France du XIXème siècle à nos jours » sous la direction des historiens Eric Fournier et Arnaud- Dominique Houte. Dans une période où l’armée française est encouragée à préparer « la prochaine guerre de haute intensité » et où le gouvernement veut militariser la société en commençant en engageant les jeunes dans le SNU, il est réconfortant qu’une trentaine d’universitaires nous rappellent comment les guerres et les menaces de guerre ont fait réagir les pacifistes et les antimilitaristes.

 

Dans leur introduction Eric Fournier et Arnaud-Dominique Houte écrivent: « Personne n’a oublié l’assassinat de Cabu et des journalistes de Charlie Hebdo, et l’hommage national qui leur a été réservé. Si la cérémonie a eu le bon goût d’éviter Saint-Louis des Invalides, elle avait tout de même quelque chose de tragiquement cocasse, quand on connaît l’anarchisme fondamental de ces dessinateurs. Cabu, l’un des plus intraitables antimilitaristes de sa génération célébré par le chef des armées ! L’adjudant Kronenbourg au garde-à-vous devant son cercueil ! Pas de doute, les temps changent. Quel contraste avec les obsessions de l’après 68, quand la société française se divisait autour du rapport à l’uniforme, dans l’élan des mouvements de jeunesse, dans la peur de Pinochet, dans l’ambiance de caserne qui imprégnait chaque génération. »

Les deux historiens qui avaient organisé en 2019, à la Sorbonne, un colloque intitulé « L’antimilitarisme en France » dont nous avions rendu compte à radio libertaire dans l’émission Si Vis Pacem du 15/08/2019, ont réuni les travaux d’une trentaine de professeurs, pour montrer que l’antimilitarisme a toujours fait partie de l’histoire de France même si aujourd’hui «  on ne s’émeut plus vraiment de voir dans l’espace public les armes et les uniformes de l’opération Sentinelle. Les OPEX suscitent peu de débats, en dépit d’enquêtes accablantes sur les « dérives » d’une armée mal préparée aux réalités de la guerre…La perspective d’un service national universel n’a guère réveiller les spectres d’un antimilitarisme qui semble relever d’un passé révolu, d’une subversion neutralisée, d’un engagement anachronique »

Nous savons, à l’Union pacifiste combien il a été difficile de mobiliser les jeunes, leurs parents et leurs enseignants contre les dangers de l’embrigadement dans le SNU. Si aujourd’hui nous percevons un début d’opposition à cette militarisation de la part de mouvements de jeunesse, de syndicats et de partis politiques, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour  réveiller, dans la dangereuse période actuelle, un antimilitarisme nécessaire. La lecture du livre scientifique «  À BAS L’ARMÉE! » peut nous y aider.

 

Chaque historien a écrit de courts chapitres qui retracent la naissance de l’antimilitarisme. Succesivement nous passons de la rubrique: «  Autour de la lIème république, les origines de l’antimilitarisme » à la rubrique: « Au temps de l’antimilitarisme révolutionnaire, de la Butte Montmartre au Pré-Saint-Gervais ( 1871-1914) » et plus près de notre époque «  L’antimilitarisme d’une guerre à l’autre ( 1914-1944) ». Nous retrouvons dans ce chapitre des personnages bien connus des pacifistes d’aujourd’hui. 

Arnaud-Dominique Houte écrit:  «  Louis Lecoin clame haut et fort son refus de la guerre et de l’armée. A peine libéré de trois ans de prison pour propagande antimilitariste en 1916, il déchire son ordre de mobilisation et rédige un tract pacifiste « Imposons la paix » qui lui vaut un retour en détention…Gérard Leretour, emprisonné une première fois en tant qu’insoumis est poussé à l’exil en Belgique…L’instituteur et syndicaliste Maurice Dommanget dénonce le ralliement à la Marseillaise «  chant de guerre  et de militarisme, composé en vue de la guerre, dans un milieu de guerre, par un officier de carrière sorti de l’Ecole militaire, chanté pour la première fois dans un salon rempli d’officiers ». 

Dans cette même rubrique l’historien Matt Ferry fait le récit des marins de la mer Noire qui, comme Nicolas Faucier, firent preuve en 1919 d’insubordination, ce qui paralysa l’intervention de l’armée française contre la révolution russe. «  Les équipages hissèrent le drapeau rouge, chantèrent l’Internationale et lancèrent des insultes au vice-amiral Amet quand il essaya d’haranguer les mutins ».

 

Céline Piot fait un récensement complet des monuments aux morts antimilitaristes. David Noël explique la fondation de l’ARC ( association d’anciens combattant communistes) par Henri Barbusse. 

Alain Ruscio raconte la lutte contre la guerre du Rif au Maroc avec la publication dans le journal l’Humanité d’un appel qui regroupe une centaine de noms dont André Breton, Robert Desnos, Paul Eluard, Paul Signac et Benjamin Péret. 

Laurence de Cock, qui a pris récemment position contre le SNU dans un article du site Café pédagogique, traite de sujet des pédagogues et de l’antimilitarisme. Elle cite le personnage célèbre de Célestin Freinet et précise:  « Certains instituteurs déploraient et boycottaient les exercices militaires imposés par exemple dans le cadre de leur formation en école normale.Dès avant guerre les enseignants considérés comme déloyaux sont traqués et lourdement sanctionnés. L’antimilitarisme était  l’un des premiers motifs de révocation ».

Carole Auruet, auteure de plusieurs ouvrages de recherche sur Jacques Prévert dont « Jacques Prévert, détonations poétiques », consacre un chapitre à ce poète antimilitariste. Elle écrit: « Dans toute l’oeuvre prévertienne, l’opposition nette à l’esprit et aux institutions militaires se manifeste par une entreprise de démystification des représentants de l’armée , à la fois fauteurs et acteurs de la guerre ».

 

CABU couverture JPG

La quatrième partie du livre s’intéresse à «  L’antimilitarisme au temps des colonisations ( 1945-1968) ». 

Virgile Cerefice, auteur de l’introduction, écrit: « C’est au nom des valeurs de la Résistance et du respect de l’indépendance des peuples que l’on condamne l’action française en Indochine » et le sentiment antimilitariste, encore diffus pendant la guerre d’Indochine se fait plus insistant pendant la guerre d’Algérie. Benoist Rey, typographe anarchiste, de retour d’Algérie, publie en 1961, aux Editions de Minuit un livre qui dénonce les méthodes employées pendant cette guerre coloniale: «  Les Egorgeurs ». Le livre est immédiatement saisi. C’est le moment où le mouvement pour l’objection de conscience reprend vigueur et le moment aussi où est publiée la Déclaration sur le droit à l’insoumission ( Le Manifeste des 121), immédiatement censurée. Boris Vian chante «  Le déserteur ». 

Régis Forgeot raconte la longue lutte des antimilitaristes et de Louis Lecoin pour la reconnaissance légale de l’objection de conscience ( 1949 - 1983). En 1958 Louis Lecoin fonde le Secours aux objecteurs de conscience. L’Action civique non-violente se forme autour de Lanza Del Vasto. Après la longue grève de la faim de Louis Lecoin en 1962 et l’accord du général De Gaulle, il faudra attendre plus de dix ans pour que la reconnaissance légale de l’objection de conscience soit acquise.

Jérôme Bocquet, spécialiste d’histoire religieuse et militaire consacre un chapitre au général Pâris de La Bollardière l’un des rares officiers supérieurs à refuser «  l’oeuvre de destruction morale liée à la bataille d’Alger qui restera dans l’Histoire ». Nous connaissons l’engagement de Pâris de La Bollardière qui était sur le bateau nommé Liberté avec notre ami marin Gilbert Nicolas pour s’opposer aux essais nucléaires de l’armée française à Mururoa. Nous saluons l’action de Simone de La Bollardière qui a poursuivi les actions de son mari jusqu’à son décès, le 6 décembre 2020, à l’âge de 98 ans.

Louis Lecoin, « un héros presque un saint » comme le désignait l’écrivain Bernard Clavel, est le sujet d’un chapitre écrit par Arnaud-Dominique Houte. L’historien rappelle que Louis Lecoin meurt en 1971, qu’il est accompagné au Père-Lachaise par un demi-millier de compagnons et que son engagement est repris par l’Union pacifiste et par May Picqueray avec son journal « Le Réfractaire ».

 

Cabu_0003

 

La dernière partie du livre couvre la période des « années 68 » jusqu’à la suspension du service militaire en 1997. 

Maxime Launay  auteur de «  La gauche et l’armée française » écrit:: «  Au printemps 1973, les manifestations de la jeunesse contre la loi dite Debré, dont objectif était de supprimer les sursis accordés aux étudiants pour poursuivre leurs études, ce qui leur permettait de retarder leur incorporation, posent les jalons d’une contestation antimilitariste dépassant les seuls cercles militants ». D’autres événements font aussi réagir les antimilitaristes: le putsch chilien du général Pinochet en 1973, la lutte contre l’extension du camp militaire du Larzac, la saisie de la Cour de sûreté de l’Etat en décembre 1975 à la demande du premier ministre Jacques Chirac «  pour participation à une entreprise de démoralisation de l’armée » après l’annonce de la création d’une section syndicale d’appelés à Besançon avec le soutien de l’union locale de la CFDT. 

 

En 1997 Jacques Chirac suspend la conscription. L’antimilitarisme se manifest alors contre les interventions militaires à l’étranger et contre l’industrie de l’armement. «  Le retour polémique d’un service national universel peut porter les germes d’une contestation future. » note Maxime Launay. C’est ce que réclame le Collectif NON au SNU dont fait partie l’Union pacifiste. Des jeunes soumis au port de l’uniforme, à la marche au pas, à la levée des couleurs, au chant de la Marseillaise qui sert cet embrigadement devrait faire réagir les antimilitaristes. 

Heureusement que la mémoire du journaliste-dessinateur Cabu, le plus poursuivi pour injure publique contre l’armée, reste bien vivante. Laurent Bihl, historien des médias et de la caricature écrit dans le chapitre consacré à Cabu: «  Le dessinateur à peine revenu d’Algérie, où il a contracté une détestation viscérale de la guerre, rejoint l’Union pacifiste de France ( UPF) et le Groupe d’action et de résistance à la militarisation ( GARM) qui milite pour le désarmement… Il connaît quelques satisfactions comme aboutissement de son combat contre les tribunaux militaires abolis en 1992 par Robert Badinter. Aguigui Mouna, Maxime le Forestier, Henri Tachan constituent avec lui un petit groupe d’artistes toujours présents dans les actions.»

 

Cabu_0004

Le livre d’histoire «  À BAS L’ARMÉE ! » permet de rappeler que l’antimilitarisme est un mouvement qui existe depuis longtemps et qui peut renaître dans certaines circonstances historiques. La période actuelle avec l’intense militarisation des nations devrait favoriser son retour. C’est ce que nous souhaitons à l’Union pacifiste !

 

« À BAS L’ARMÉE, l’antimilitarisme en France du XIXème siècle à nos jours » sous la direction de Eric Fournier et Arnaud-Dominique Houte » publié par les Editions de la Sorbonne en mai 2023.

 

 

 

 

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Commentaires
L
J'espère que l'incessante action de Lanza del Vasto n'a pas été passée sous silence dans ce panorama antimilitariste. Car ce serait là une injustice crasse !<br /> <br /> André Lombard 84 Viens
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