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11 juillet 2014

ISLANDE, le touriste détrône la morue

ISLANDE, le touriste détrône la morue

 

Le 20 mars 2010, le volcan Eylafjöll, entre en éruption dans le sud de l'île. Phénomène naturel  d'une ampleur exceptionnelle, même pour les Islandais qui en ont l'habitude, c'est aussi un merveilleux coup de publicité pour ce petit pays. Les perturbations créées par le nuage de cendres dans le trafic aérien pendant plusieurs jours ont attiré les médias internationaux. Ils ont montré les richesses naturelles de l'Islande et ont fait mieux connaître ce pays. En quelques années la pêche, principale économie du pays, a été dépassée par le tourisme. L'autre attrait important de l'Islande pour un pacifiste est que

ce pays est sans armée, classé premier sur cent soixante deux dans le " Global Peace Index" qui analyse l'état de la paix dans le monde.

 

Apprendre à maîtriser les forces de la nature

 

Nous avons été saisis par la puissance des forces naturelles. Les volcans ont couvert de lave d'immenses étendues devenues désertiques. Les icebergs, descendus des glaciers jusqu'à l'océan, emportent des ponts. De spectaculaires falaises abruptes sont sapées et déchiquetées par les tempêtes.

Pour vivre dans un pays où les éruptions volcaniques et les tremblements de terre sont fréquents, où les hivers  sont froids, longs et obscurs, où les obstacles naturels et les champs de lave sont importants, où les glaciers occupent une grande partie de la surface et fournissent une quantité d'eau destructrice, il faut un peuple volontaire, ingénieux et solidaire. Les Islandais ont réussi à s'adapter sur cette terre hostile à la présence humaine. Les maisons traditionnelles en bois et  en tôle ondulées sont alimentées par l'eau chaude de la géothermie. Les habitations isolées  et précaires, à cause des sols instables, sont faciles à reconstruire. Les intérieurs, confortables et lumineux, permettent de tenir pendant les longues journées d'hiver. Les Islandais sont décontractés, simples, hospitaliers. Ils font souvent preuve d'humour et aiment se retrouver dans les bars ou les piscines chaudes pour parler du quotidien. Ils sont fiers des réussites de leur pays où ils arrivent, dans d'immenses serres, à cultiver des tomates, des bananes et du café et même à exporter ces produits en Europe. 

Mais les Islandais n'aiment pas être perdants. Ils ont pu surmonter la grave crise financière de 2008 en se mobilisant pour obliger leur gouvernement à ne pas accabler le peuple pour renflouer les banques et à ne pas payer les dettes qu'ils trouvent injustes.

Ils défendent avec courage leur petit pays et leur espace maritime qui fournit depuis longtemps l'une des seules ressources de l'île: la pêche. Et ils protègent aussi leurs richesses naturelles contre les entreprises étrangères qui voudraient les exploiter. 

Nous avons vu, aux impressionnantes chutes de Gullfoss, dans le périmètre touristique  appelé le " cercle d'or", la stèle à l'effigie de Sigriour Tomasdottir. Cette femme qui s'est opposée aux investisseurs étrangers qui voulaient construire une énorme centrale hydroélectrique dans les spectaculaires chutes d'eau. Habitant une ferme à proximité, elle se rendit plusieurs fois à pied à Reykjavik, distante d'une centaine de kilomètres, pour défendre sa cause et menaça même de se jeter dans les chutes si le projet était réalisé. Elle obtint gain de cause et les Islandais l'honorent aujourd'hui pour avoir su préserver ce site qui attire presque tous les touristes venus en Islande.

En fidèles descendants des Vikings, les Islandais savent s'enrichir en défendant leurs biens.

DSCN5881

 

Les Vikings, bons commerçants et bons administrateurs.

 

Nous avons fait l'erreur d'aller au Festival viking qui se tenait dans l'enceinte de l'hôtel et du restaurant Viking, à quelques kilomètres de la capitale, au mois de juin. Il s'agissait d'une reconstitution à l'américaine de quelques huttes vikings. Des personnages "déguisés" reproduisaient quelques vieux métiers et  entretenaient, dans des combats ridicules, le mythe du Viking brutal et sanguinaire.

Heureusement qu'avant de partir j'avais lu l'excellent livre de Régis Boyer, professeur d'histoire à la Sorbonne, " Les Vikings". Dans cet ouvrage, ce spécialiste de l'Islande et des Vikings, déconstruit le mythe du Viking cruel et barbare. Il montre que ces hommes, qui quittent la Norvège, la Suède ou le Danemark, n'ont qu'un seul but: trouver des terres plus hospitalières pour les exploiter et s'enrichir. Les Vikings ne sont pas des guerriers, ils préfèrent utiliser la ruse pour obtenir ce qu'ils convoitent . En petites bandes, avec des bateaux rapides et maniables, ils surprennent des populations sans défense pour s'emparer de marchandises de prix: fourrures, soie, sel, épices, bijoux mais aussi d'esclaves qui ont beaucoup de valeur. Leur dextérité leur permet d'échapper à leurs poursuivants et ils n'utilisent la force qu'en dernière extrémité. Loin d'être des héros ils sont plutôt des malins.

Ils ont, d'après Régis Boyer, une grande capacité d'adaptation, un excellent sens du commerce et une grande qualité d'administration pour mettre en valeur les terres qu'ils colonisent. Ils font ainsi la richesse de nombreuses régions en Russie et en Europe comme en Normandie ou en Bourgogne.

Dès que des états plus forts se mettent en place dans le monde ils abandonnent leurs coups de mains et peuplent l'Islande avec leurs esclaves celtes, flamands, anglais ou Irlandais. Les esclaves sont vite affranchis.

" L'histoire de l'Islande est le plus beau fleuron du phénomène viking" écrit Régis Boyer.

En effet, ce pays qui n'a jamais accepté ni chef, ni roi, ni colonisateur a vite trouvé la méthode pour faire vivre ensemble des familles parfois adversaires. Dès 930, les chefs de clans se réunissent dans une plaine, au pied de falaises impressionnantes pour fonder le premier parlement mondial destiné à régler les conflits et édicter les lois. Pour qu'une bonne entente règne dans l'île tout le monde doit obéir aux mêmes lois et à la même religion. Ce site de "l'hémicycle" est devenu aujourd'hui un endroit historique très visité par les touristes. Il est classé au Ptrimoine mondial de l'Unesco depuis 2004. Les Islandais y ont proclamé leur indépendance de le 17 juin 1944.

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Une longue tradition de pacifisme

 

Au Moyen Age, pendant que des peuples s'entretuent sur le continent, les Islandais organisent une société stable, homogène et pacifique, où la diplomatie est le maître mot et où le chef provisoirement élu est impitoyablement sacrifié s'il n'arrive pas à assurer le bien-être et la paix du peuple.

La Norvège et le Danemark, qui ont colonisé successivement l'Islande, n'ont pas fait disparaître le désir d'indépendance et de liberté chez les Islandais. 

En 1918 l'Islande s'est déclarée neutre dans les conflits mondiaux. Mais, pendant la deuxième guerre mondiale

 les Anglais puis les Américains imposent la présence de leur armée sur l'île pour la "protéger" . C'est un choc pour les Islandais. Des manifestations populaires ont lieu en 1946 contre la présence militaire et en 1949, quand le pays adhère à l'OTAN, le Premier Ministre, le Social-démocrate Stefansson, ne peut éviter la gifle d’une jeune fille qui accompagne son geste de paroles dans la plus noble tradition des sagas médiévales  : "Souviens-toi, pauvre homme, qu’une femme t’a frappé !" 

 Quand les Américains décident d'établir une base militaire permanente, les Islandais réussissent à imposer leurs conditions:  les GI doivent être aussi discrets que possible, la base ne peut pas accueillir plus de 5 000 personnes, les sorties sont limitées. Stefan Palsson, qui dirige une association contre la base militaire, évoque une «double morale, qui consiste à soutenir la base tout en exigeant que les soldats aient le moins de contact possible avec la population». Ce qui n'empêchera pas la naissance d'enfants de culture mixte!En 1956 et 1974, des gouvernements de centre gauche tentent, sans résultat, d'abroger l'accord de défense. Les intérêts économiques pèsent trop lourd! En 1990, la base rapporte 158,6 millions de dollars à l'Islande, soit 2,6 % de son PIB. Ironie de l’histoire, quatorze ans plus tard, c’est à Reykjavík qu'est signé la « fin officielle » de la Guerre froide, lorsque Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev se rencontrent symboliquement les 11 et 12 octobre 1986 . La diplomatie islandaise excelle dans la promotion du dialogue et la recherche du compromis, et l'Islande se fait le chantre du pacifisme. 

Le 30 septembre 2006 le dernier soldat américain quitte la base de Keflavik. A part la présence de quelques garde-côtes, l'Islande n'a pas d'armée, pas de policiers armés et pas de gardes du corps pour le président ou les personnalités. La criminalité est presque inexistante.

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Peinture de ERRO

 

Un pays à l'avant-garde.

 

Si les Islandais peuvent s'enrichir aujourd'hui grâce aux touristes qui arrivent de plus en plus nombreux c'est que les étrangers se sentent bien dans ce pays. Un guide nous a dit: " Nous avons un grave problème avec l'immigration: c'est que nous n'en n'avons pas assez!" Cette phrase séduit le Français qui quitte un régime policé pour vivre quelques jours dans un pays de liberté.

Pas de soldat avec le doigt sur la gâchette en arrivant à l'aéroport de Keflavik, pas de contrôle de passeport dans ce pays qui n'est pas européen, pas de demande systématique de papiers d'identité, pas de précautions à prendre pour le vol ou la sécurité: la confiance règne. 

Il faut dire que l'Islande a souvent montré le chemin de l'ouverture. C'est en Islande que Vigdis Finnbogadottir a été la première femme élue présidente dans un pays européen. Francophone et surtout fondatrice de la première troupe de théâtre, elle a effectué trois mandats à la tête du pays. Les femmes tiennent les postes clés du pays, dans l'économie, les banques, la religion, la culture.

Un artiste, Jon Gnarr, est élu maire de Reykjavik, en 2008, après la faillite mémorable des banques. Les Islandais ont suivi cet anarchiste qui déclare dans sa campagne: " Nous affirmons que nous vous mentons. Nous reconnaissons volontiers que nous ne tiendrons aucune des promesses que nous faisons.». Humoriste, activiste, ancien musicien de Björk, il refuse d'accueillir à la mairie les militaires qui font escale dans le port de Reykavik dans le cadre de l'OTAN et fait de la parade de la gay pride, qui se tient au mois d'août, la principale fête de rue de la capitale. Il ouvre chaque année la marche dans un costume différent. Arrivé au terme de son mandat il choisit de ne pas se représenter. Des Islandais parlent encore de lui avec admiration.

Nous avons regretté de ne pas voir le faisceau lumineux qui, tous les jours, du 9 octobre au 8 décembre, illumine la ville de Reykavik à partir de la tour de lumière qui porte en 24 langues l'inscription: " Imaginez la paix". C'est Yoko Ono, la veuve de John Lennon, qui a inauguré ce monument en 2007, en hommage au chanteur de "Imagine". Il est noté sur le site du monument: " Au-delà de l’aspect symbolique de cet événement, l’Islande compte se placer parmi les Etats neutres qui pourraient aider à résoudre les conflits dans le monde. Vaste programme. Mais, les citoyens, les politiques, les diplomates islandais sont motivés pour s’atteler à cette tâche titanesque, voire utopique diront les plus pessimistes". 

Ce petit peuple a misé sur l'éducation et la culture pour promouvoir le pacifisme. Tout le monde sait lire en Islande. Les livres sont partout, non seulement dans les grandes et nombreuses librairies des villes mais aussi dans les bars, les restaurants, les musées, à disposition de chacun, gratuitement. Les musées, petits mais riches et pédagogiques, présentent les principaux artistes du pays. Le merveilleux monument Harpa, centre culturel moderne et immense, qui domine le port, est un centre d'attraction musical et théâtral important.

L'Islande, démontre que les voies de la culture et du pacifisme sont les voies à suivre pour assurer le bien-être de tous.

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" Les Vikings", Régis Boyer, Editions Perrin poche

" Le cloche d'Islande", Laxness, Flammarion poche

" Entre ciel et terre", " La tristesse des anges" :Jón kalman stefánsson , Gallimard Folio

 

 

 

 

 

 

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