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17 novembre 2018

CORÉE DU SUD

Corée : le long chemin vers la paix

 Ouvert, tolérant, souriant, créatif, le peuple coréen accueille les visiteurs dans un pays riche d’une civilisation millénaire. Nous avons été émerveillés par la beauté des paysages, des constructions traditionnelles, des musées et des temples au cours de notre voyage (octobre 2018). Ce pays, encore divisé aujourd’hui, a malheureusement connu au cours des siècles de multiples invasions et de très nombreux affrontements meurtriers. Après 70 ans de guerre civile, entretenues par des puissances étrangères, les multiples gestes de réconciliation des présidents du Sud et du Nord, depuis 2017, sont-ils le signe d’une future réunification ?

 DMZ : Zone démilitarisée

L’île de Kanghwa, située à une cinquantaine de kilomètres de Séoul, sur l’embouchure de la rivière Han qui sert de frontière avec la Corée du Nord, est éclairante pour mesurer la tension qui persiste entre les deux Corée. En approchant de la DMZ, on constate la présence de militaires armés qui surveillent les véhicules de passage. Un check-point bien protégé par des herses et des barrières sert à contrôler les visiteurs. M., guide coréen qui a étudié le cinéma à la Sorbonne, fait remarquer que les soldats sont jeunes et font leur service militaire près de la frontière.

 

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« L’observatoire de la paix » installé par le gouvernement du Sud pour voir la Corée du Nord au-delà du fleuve est un bâtiment de deux étages, géré par l’armée, avec deux grandes salles de conférence dotées de larges verrières. Les grands écrans de télévision diffusent des images de la Corée du Nord. De puissantes jumelles permettent de suivre la circulation des habitants sur l’autre rive et de voir les paysans qui travaillent dans les champs de villages que certains qualifient de «  fantômes ».

Cet observatoire a été manifestement installé pour servir la propagande du gouvernement de la Corée du Sud. D’après M. ce sont surtout les personnes âgées qui s’intéressent à ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, car elles ont encore de la famille dans le Nord et gardent le souvenir des évènements tragiques qu’elles ont vécus. Elles n’ont pas oublié les trois années de guerre (1950-1953), l’intervention de l’armée des États-Unis et des soldats chinois, les 6 millions de morts civils provoqués en grande partie par les 450 000 tonnes de bombes larguées par l’US Air force et les 3,2 millions de litres de napalm utilisés. Les jeunes ne s’intéressent plus à cette histoire. Ils profitent d’une vie relativement prospère et considèrent la Corée du Nord comme un pays étranger. Confrontés aujourd’hui au chômage des diplômés ils sont plus préoccupés par leur vie quotidienne que par les questions de guerre et de paix. Ils sont habitués aux périodes de tension et d’accalmie dans les relations entre le Sud et le Nord et ils ne sont pas trop inquiets quand le gouvernement du Nord menace le gouvernement du Sud. « Les jeunes ignorent les rodomontades du Nord ou, pis, les tournent en dérision… Kim Jong-il représente pour eux une sorte de dandy kitch dont on reproduit le portrait sur des tee-shirts ou des pendentifs. » (Pascal Dayez-Burgeon, historien)

 Les jeunes et l’armée

 

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L’armée sud-coréenne reste l’une des armées les plus importantes au monde en termes d’effectifs. En 2013, elle comptait plus de 5 millions de soldats auxquels il faut ajouter les 30 000 militaires des États-Unis occupants la Corée du Sud. Ces derniers sont stationnés dans 90 bases, situées sur tout le territoire et spécialement en plein cœur de la ville de Séoul. Elles sont considérées comme territoires américains. Elles sont dénoncées depuis de nombreuses années par les Coréens. Le 28 octobre 2017 une importante manifestation a encore eu lieu à Séoul après l’annonce de la venue de Trump, avec le slogan : « No war ! No Trump ! »

En UNE de l’Union Pacifiste de janvier 2018, des jeunes de l’association « Un monde sans guerre » (section coréennes de l’IRG) manifestent à Séoul au salon de l’armement Adex.

Les étudiants se sont souvent opposés à l’armée. En 1960, 800 étudiants, qui manifestaient contre le général Park, sont tués. Le 27 mai 1980 à Gwangju, quand le général Chun proclame la loi martiale, la police tire à bout portant sur la foule désarmée faisant 150 morts. Elle poursuivra et tortura des jeunes pendant plusieurs années. On compte environ 2 000 victimes pendant la durée de ce gouvernement jusqu’en 1987. En 2015 les étudiants sont encore très nombreux parmi les 80 000 personnes qui manifestent dans les rues de Séoul contre la présidente Park Geu-hye, fille du dictateur. Elle est destituée en 2017 après avoir, selon beaucoup de Coréens, laissé un bilan désastreux.

 L’objection de conscience

Le service militaire est toujours obligatoire en Corée du Sud. Il est réputé pour ses brimades physiques. Une dizaine d’appelés trouvent la mort chaque année. Il était de 36 mois à l’époque de la dictature du général Park Chung-hee. Il est passé à 21 mois. Il est question de le ramener à 18 mois. Mais les jeunes coréens essaient d’échapper à la conscription. En septembre 2018, douze étudiants étaient accusés par l’armée d’avoir délibérément pris du poids pour se dérober à l’enrôlement. Ceux qui cherchent à éviter le service militaire de manière frauduleuse sont méprisés et très critiqués par la société coréenne. Ce comportement est considéré comme étant une offense majeure. Le service étant obligatoire pour tous, les Coréens pensent qu’aucun traitement de faveur ne devrait leur être accordé. Entre 2003 et 2013, environ 6 000 personnes ont refusé de faire leur service militaire. Les garçons – les filles ne sont pas concernées – sont traités comme des délinquants et des parias, beaucoup subissent des préjudices économiques et sociaux qui durent bien au-delà de leur peine de prison (généralement fixée à 18 mois). Bien souvent, leur casier judiciaire équivaut à une « condamnation à perpétuité » du fait de la réprobation sociale et des désavantages qu’il entraîne tout au long de leur vie.

Corée Objection

19 000 objecteurs ont été envoyés en prison depuis les années 1950 en majorité des Témoins de Jéhovah. Mais, sur fond de détente entre les deux Corée, les attitudes changent. L’IRG note : « Ce jeudi 28 juin 2018, dans une décision qui fera date, le Conseil constitutionnel de la Corée du Sud a ordonné au gouvernement de mettre en place un service de substitution de nature civile pour les objecteurs de conscience. » L’avocat Lim Jae-sung, qui a défendu de nombreux réfractaires, ajoute : « Trop de jeunes ont dû choisir entre la prison et l’armée du fait de leurs convictions idéologiques ou religieuses ». Il faut rappeler en effet que 200 jeunes sont encore actuellement en détention. Les pacifistes espèrent que le nouveau statut libèrera bientôt les objecteurs.

 Une jeunesse à la recherche d’un avenir

 

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 « Dragon asiatique redouté pour son dynamisme économique, la Corée du Sud connaît en ce début d’année 1997 une crise politique et sociale sans précédent à la suite de l’adoption à la sauvette, le 26 décembre, à 6 heures du matin, par l’Assemblée nationale d’une série de mesures de régression sociale… La nouvelle loi sur le travail autorise les entreprises, en cas de conflit social, à remplacer les salariés grévistes par des intérimaires, elle facilite les licenciements, assouplit la flexibilité et les horaires de travail ; elle interdit, enfin, jusqu’au-delà de l’an 2000 la création de nouveaux syndicats. » (Le Monde)

La Corée subit encore aujourd’hui les conséquences de ces mesures qui ont touché en priorité les jeunes diplômés. 100 % des enfants vont à l’école et au collège. À l’issue du lycée 90 % se dirigent vers le supérieur. « Au total, les Coréens constituent aujourd’hui l’une des populations les mieux formées de la planète » selon Pascal Duyez-Burgeon. Mais beaucoup de jeunes gens ne trouvent pas d’emploi stable. Il y a plus de 50 % d’emplois précaires. Le chômage atteint 20 % des jeunes. Cette situation a des conséquences sur les mariages et la natalité (une des plus basses du monde). Ce qui entraîne un vieillissement de la population encore plus rapide qu’au Japon et un appauvrissement tragique des vieux. Beaucoup de jeunes gens cherchent à quitter le pays pour trouver une meilleure situation ailleurs.

Et pourtant, d’après Pascal Duyer-Burgeon, et comme nous avons pu le constater, les Coréens restent de « bons vivants, portés sur la bouteille, aimant par de dessus tout rire, chanter et compter fleurette. On les a surnommés les « Italiens de l’Asie ». Nous avons vu les jeunes filles qui s’amusent en portant des habits traditionnels pour se faire photographier dans les parcs. Elles sont adeptes du « cosplay » influencé par les feuilletons de télévision et par la mode japonaise.

 

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Le guide, cuisinier et fin gourmet, nous a fait goûter toutes sortes de plats raffinés. Dans les restaurants, toujours pleins et bruyants, les personnes se réunissent en famille ou entre hommes. L’ambiance est joyeuse. Le pays reste très agréable pour les visiteurs, malgré le Hangueul (langue très difficile). Les routes de bonne qualité, la propreté exemplaire font que tout se déroule dans « Un ordre un peu trop parfait pour les jeunes » d’après notre ami cinéaste.

Nous avons aussi remarqué que nombre de Coréens n’accordent pas beaucoup d’importance à la religion. C’est, paraît-il, le pays qui compte le plus d’athées. 50 % de la population se déclare sans religion. Il y a quand même 926 temples bouddhistes en Corée, mais les gens s’y rendent le plus souvent en famille pour demander une faveur ou se promener. Les catholiques, venus de Chine, sont respectés, mais les évangélistes qui s’affichent avec des bâtiments illuminés toute la nuit et des interventions permanentes dans les lieux publics sont considérés comme un véritable cancer de la société.

 Quel espoir pour une paix ?

D’après l’historien Pascal Dayez-Burgeon tous les Coréens, du Nord comme du Sud rêvent de la réunification. Mais c’est surtout vrai pour les anciens qui ont en mémoire les luttes de leur peuple pour se libérer au cours des siècles des Chinois, des Mandchous, des Mongols et plus récemment des Japonais (qui ont colonisé leur pays avec beaucoup de brutalité, de destructions et de pillages). Le ressentiment contre les Japonais est encore sensible aujourd’hui, même chez les plus jeunes. Ils reprochent au Japon de ne jamais avoir présenté d’excuses pour leur barbarie et l’esclavage sexuel imposé aux femmes pendant la guerre. Ces « halmoni », malgré leur grand âge, certaines ont plus de 90 ans, manifestent encore chaque mercredi devant l’ambassade du Japon à Séoul, exigeant que les militaires japonais reconnaissent leurs crimes.

Les musées des différentes villes, bien agencés et pédagogiques, sont très fréquentés par des élèves accompagnés de leurs professeurs. Au musée d’histoire de Ganghwa, les jeunes coréens peuvent ainsi apprendre, grâce à une reconstitution grandeur nature, comment en 1866 le contre-amiral Roze de la marine française dirigea une expédition contre le royaume coréen en attaquant la forteresse qui contrôlait le fleuve Han. Il fit bombarder la ville de Séoul et emporter des caisses de lingots d’argent, de l’or, des laques, des jades, des ouvrages précieux, des archives, des rouleaux de peinture. Ce gradé donna ensuite l’ordre de détruire tout ce qui ne pouvait pas être emporté et de raser tout ce qui appartenait à l’État coréen.

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On se rend compte dans les nombreux musées d’histoire des violences que les Coréens ont subies pendant des siècles et qu’ils continuent à endurer avec l’intervention de puissances militaires extérieures. En 2017, avec l’accord de la présidente Park Geun-hye, fille du général, les États-Unis ont installé sur le terrain de golf de Seongju, un système antibalistique de missiles THAAD. Cela a provoqué de vives protestations des Coréens et la fureur du gouvernement chinois.

Après le président Kim Dae-jung, prix Nobel de la paix en 2000, qui a fait le plus grand pas avec sa politique du « rayon de soleil », l’actuel président Moon Jae-in essaie de se rapprocher de son homologue du Nord.

Mais il semble que Pékin, Washington, Tokyo et Moscou, ne souhaitent pas la réunification de la Corée, qui présenterait une menace avec son potentiel économique, son armée et ses armes nucléaires. Les Coréens du Sud savent que la paix ne se fera jamais sans l’accord des États-Unis mais le guide ne perd pas espoir : «  Il faudra attendre encore une génération mais nous y arriverons ».

 

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___

Histoire de la Corée, Pascal Dayez-Burgeon, Texto, 2018, 12 €, 550 p.

Les Coréens, Pascal Dayez-Burgeon, Tallandier, 2016, 8 €, 200 p.

Celui qui revient, Han Kang, 2017, Le point, 7,20 €.

Monsieur Han, Hwang Sok-Yong, Zulma, 2016, 9 €.

Toutes les choses de notre vie, Hwang Sok-Yong, 2018, Picquier Poche, 8 €.

Celui qui revient, Han Kang, Le serpent à plumes, 2016, 7,20 €.

Joint Security Area, film pacifiste de Park Chan-Wook, 2000.

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