ANDRÉ CLAUDOT
Dijon : record mondial pour un tableau d’André Claudot
Dimanche après-midi à l’Hôtel des Ventes de Maître Sadde à Dijon, le public a eu la surprise d’assister à une belle bataille d’enchères opposant deux collectionneurs asiatiques. Ces derniers, l’un au téléphone, l’autre en salle, convoitaient les 35 œuvres d’André Claudot provenant de la collection Gandrey. Le second fit l’acquisition d’environ les 3/4 des tableaux et dessins de ce peintre, habituellement acheté par les amateurs dijonnais. Ces derniers sont répartis bredouille mais heureux de voir que la cote de cet artiste “révolutionnaire” ait atteint sa juste reconnaissance sur le plan international. Ainsi, il fallut débourser 22 000 € (sans les frais) pour acquérir une toile représentant le Palais Impérial de Pékin et peinte par Claudot en 1928, lors de son voyage en Chine. Le deuxième record fut plus modeste, mais 5 200 € était quand même nécessaire pour enlever une toile de 1929 exposée au Salon de l’Essor et représentant des barques sur le lac de l’Ouest à Hangtchéou. Les collectionneurs bourguignons durent se rabattre sur les peintres moins cotés tels que Hosotte (1 100 et 1 600 € pour deux toiles de petits formats), Marcel Gault (entre 80 et 650 € pour des scènes de genre bourguignonnes), Jean François (entre 80 et 800 € pour des représentations des travaux de la vigne) ou encore Julien Duriez (entre 100 et 250 € pour des petits tableaux).
Cet article paru dans le journal de Dijon, "Le Bien Public", en juin 2013, m'a fait penser à Suzanne et André Claudot dont j'ai eu le privilège de partager l'amitié, il y a plus de trente ans.
Pour un cinéaste chinois qui souhaite consacrer un film à André Claudot en Chine, j'ai écrit le texte que voici:
Une longue amitié m'a lié au peintre André Claudot, depuis que j'ai découvert son oeuvre à Dijon, en 1967, jusqu'à sa mort, à Loeilley, en 1982.
1967: Rencontre avec André Claudot
Lorsque j'étais jeune journaliste à la télévision régionale de Dijon je rendais compte, dans le journal télévisé, des vernissages dans les galeries de la ville. Plusieurs peintres m'avaient dit qu'ils étaient des élèves d'André Claudot. Je ne connaissais pas ce peintre. C'est Louis Gerriet, journaliste à la radio et ami d'André Claudot, qui m'a proposé de me le faire rencontrer. Dans son atelier de la rue Musette, ancien atelier du sculpteur Pompon, le choc fut immédiat. André Claudot, personnage exubérant et chaleureux, dont l'oeuvre énorme était rangée à l'envers le long des parois de son atelier, m'a tout de suite impressionné. J'ai compris que je ne pouvais pas faire, comme d'habitude, un reportage de trois minutes pour la télévision et qu'il fallait consacrer beaucoup plus de temps à cet artiste exceptionnel. Je me promettais donc de proposer un sujet artistique plus long pour la télévision nationale.
Comme je collaborais parallèlement à une revue culturelle italienne LA SONDA, j'invitais son directeur, Antonio Bevilacqua, a consacré un article à André Claudot. En 1967, un article paraît, avec une acquarelle de Claudot, peinte en Chine en 1930, en couverture. Antonio Bevilacqua me propose d'exposer des tableaux de Claudot, avec les oeuvres de deux autres artistes français: le peintre Serge Fiorio et le sculpteur Michel Elia, au festival de Spoleto en Italie, pendant l'été 1967. L'exposition est un succès: plusieurs articles paraissent dans les journaux italiens.
J'invite André Claudot, qui aimait beaucoup voyager et peindre dans la nature, à séjourner dans le village de mes parents, à Saint-Vincent-sur-Jabron, près de Sisteron, en Provence. André Claudot peint, en un mois, de nombreux tableaux et de nombreuses acquarelles.
Antonio Bevilacqua invite André Claudot à séjourner à Sora, en Italie d'où il ramène aussi plusieurs tableaux.
En 1968, je travaille à la télévision, à Paris. Je n'ai pas le temps de faire accepter un sujet sur le peintre André Claudot à cause des évènements de mai 68 et parce que je dois accomplir un service militaire, dans le civil, à la télévision du Niger, en Afrique. Nous échangeons des lettres pendant les six années de mon travail en Afrique et je réussis à organiser pendant les vacances une exposition des oeuvres provençales et italiennes d'André Claudot, à Pierrevert, près de Manosque, avec la complicité d'André Turcan, maire du village.
De retour en France, en 1976, je propose, à la télévision française, un documentaire sur le peintre André Claudot. . Je travaille dans l'émission MOSAÏQUE de France 3, destinée aux populations étrangères. Nous avons l'intention de faire les portraits de plusieurs artistes internationaux engagés dans l'histoire de leur siècle. Je demande à André Claudot une biographie. Il m'envoie un article parue dans le Dictionnaire du Mouvement Ouvrier, dirigé par l'historien de la Sorbonne Jean Maitron. Je propose de faire le portrait d'André Claudot en deux parties: une partie historique avec Jean Maitron et une partie artistique avec Max-Paul Fouchet, célèbre critique d'art de la télévision française. Le projet n'est pas accepté tout de suite à cause de l'orientation politique d'André Claudot: anarchiste et communiste. André Claudot a déjà 85 ans. Je décide de prendre le risque de produire et réaliser, avec des amis cinéastes, la partie historique du film avec Jean Maitron.
Le tournage a lieu à Dijon, en 1977. Le montage se fait à Paris, sous le contrôle historique de Jean Maitron. Le film, terminé en 1978, est refusé par la télévision française et je n'ai pas les moyens financiers de tourner la deuxième partie artistique avec Max-Paul Fouchet. Mais le film est sélectionné par le premier festival du documentaire du Centre Georges Pompidou, à Paris: Cinéma du Réel, en 1979; puis dans d'autres festivals en France ( Amiens, Grenoble, Epinay, Avignon, Lille, Perpignan) et à l'étranger: Florence, en Italie, Liepzig en Allemagne. Le film reçoit le prix de la qualité du Centre National du Cinéma et les droits sont acquis par le Ministère de la Culture pour être diffusé dans les bibliothèques et les centres culturels.
1978: Grande exposition rétrospective à Pavillons-sous-bois, dans la région parisienne.
Pour faire mieux connaître la peinture d'André Claudot et le film et aussi pour aider financièrement Suzanne et André Claudot qui vivent difficilement, je décide de créer une Association des Amis d'André Claudot, à Dijon. André Claudot souhaite faire une exposition rétrospective de ses oeuvres. L'Association dijonnaise ne l'organise pas dans sa ville. Je réussis alors à convaincre le conservateur de l' Espace des Arts, de Pavillons-sous-bois, dans la région parisienne. Il met à notre disposition une belle galerie sur deux étages et une grande salle de spectacle. André Claudot vient faire l'accrochage de 60 tableaux. Le film est projeté devant un public nombreux. La presse nationale salue la qualité de l'oeuvre d'André Claudot. Le poète Jean Marcenac, ami d'Aragon, écrit un bel article sur le peintre André Claudot, dans l'Humanité.
Le succès de cette exposition incite le maire de Dijon, Robert Poujade, à organiser une nouvelle exposition rétrospective, à Dijon, dans le Palais des Ducs de Bourgogne.
1980: Grande exposition rétrospective à Dijon.
André Claudot, enfin honoré dans sa ville. Préparée par le service culturel de la municipalité, cette exposition est une grande satisfaction pour le peintre .
Mais, entre temps, sa femme, Suzanne Claudot, qui s'occupait depuis toujours de la vie d'André Claudot, est décédée. Elle est incinérée à Paris, au cimetière du Père Lachaise. André Claudot, fatigué, ne peut pas faire le voyage et je suis la seule personne qui peut assister à la cérémonie d'incinération. André Claudot, souffrant, est alors recueilli par la famille Kontratoff, à Loeuilley.
Pour préparer l'exposition de Dijon, je fais de nombreux entretiens audio, avec André Claudot. Je photographie des oeuvres pour faire un diaporama d'une heure. Dans ce diaporama, André Claudot retrace son parcours artistique, de son entrée à l'Ecole des Beaux Arts de Dijon jusqu'à son enseignement dans cette même école, en passant par son séjour à la Ruche de Montparnasse à Paris, avec les peintres Soutine et Kikoïne, son séjour à l'Institut National des Arts de Pékin, son amitié avec le grand peintre chinois Tsi Paï Che, son travail dans son atelier d'Hangzhou en Chine, et ses nombreux voyages en Yougoslavie et en Italie.
Pour illustrer le séjour en Chine d’André Claudot, je fais un voyage à Pékin pour photographier l’habitation d’André Claudot, située dans la vielle ville, proche de la place Tianamen, et les salles de cours de l’Institut des Arts. Puis je vais à Hangzhou, pour photograpier son atelier sur le lac de l’Ouest.
Mais, en 1980, André Claudot n'a plus la force d'assister au vernissage de sa très belle exposition rétrospective de Dijon. Le diaporama est projeté. Le maire Robert Poujade fait une très bonne présentation de l'artiste et de son oeuvre. J'enregistre ce discours et je le fais écouter à André Claudot qui en est très satisfait.
1982: Décès d'André Claudot
André Claudot passe les dernières années de sa vie dans la famille de ses amis Krondratoff, à Loeuilley. Il continue à peindre. Madame Krondratoff l'accompagne sur le sujet pour peindre des paysages. Il fait encore quelques portraits. Il meurt le 13 juin 1983. Je vais à Loeuilley pour la levée du corps. Un responsable du parti communiste me demande d'organiser une projection du film ECOUTEZ CLAUDOT à Dijon. Je refuse en lui disant qu'il fallait le faire avant, quand André Claudot, encore vivant, pouvait apprécier la reconnaissance qu'il méritait.
Depuis maintenant 30 ans, je n'ai plus eu de nouvelles des "amis" dijonnais d'André Claudot.
Je suis très heureux en cette année 2013, qu'un propriétaire de galerie chinois, de Taiwan, s'intéresse à ce peintre français majeur. Trente ans après son décès, André Claudot, aura peut-être enfin, grâce à lui, la reconnaissance qu'il mérite.
On peut voir aussi sur ce blog:
ANDRÉ CLAUDOT
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/07/03/27560264.html
Ecoutez Claudot, film de Bernard Baissat et Tewfik Fares
avec Jean Maitron, 1978, 52 minutes
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/01/01/26040291.html
André Claudot, artiste peintre, entretien Bernard Baissat, 60 minutes
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/10/06/28160184.html
André Claudot, peintre antimilitariste
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/10/30/28322654.html
André Claudot: dessins du Libertaire
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/11/05/28365699.html
Cassis et le peintre André Claudot
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/10/31/28329105.html
André Claudot en Chine
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/10/31/28332245.html