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23 février 2013

La guerre pour l'uranium 7

2 soldats français tués au Mali.

Une dizaine de soldats maliens tués, d'après un communiqué de l'armée malienne. Donc peu fiable.

Pour les autres combattants et les civils: silence radio et interdiction formelle d'informer les citoyens français qui sont pourtant les payeurs et donc aussi un peu les responsables de cette guerre.

Alain Joxe, dans un entretien au journal suisse Le Courrier de Genève, donne un point de vue intéressant:

Le Courrier de Genève

«L’issue de la guerre dépendra de la façon dont les Français se retireront»

 MARDI 29 JANVIER 2013

MALI • Le concept de «guerres sans fin» au service des pouvoirs transnationaux ne s’applique pas au cas malien, selon Alain Joxe. Il y voit, au contraire, l’espoir de reconstruire un Etat.

Spécialiste des questions militaires et stratégiques, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et fondateur en 1982 du CIRPES (Centre interdisciplinaire de recherches sur la paix et d’études stratégiques) et de la revue Le débat stratégique, Alain Joxe analyse pour Le Courrier les enjeux de l’intervention française au Mali, débutée le 11 janvier. Après les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, la France vient-elle de déclencher une de ces guerres asymétriques dont il faut, selon lui, «se demander quelles sont leurs finalités cachées ou leur irrationalité totale»? Interview.

Dans votre essai Les guerres de l’Empire global1, vous jetez un pont entre l’existence d’une nouvelle noblesse financière mondialisée et la conduite de «guerres sans fin, c’est-à-dire sans but et sans terme», de l’Afghanistan à l’Irak. L’intervention française au Mali est-elle une de ces «guerres sans fin» que vous dénoncez?
Alain Joxe: Dans ce livre, j’essaie de qualifier le rapport de cause à effet qui paraît exister entre le pouvoir hégémonique global d’une classe sociale de rentiers spéculateurs et l’insécurité permanente qui suscite, à toutes les échelles (régions, pays, ethnies, sectes religieuses, familles) des séparatismes de survie. Cette insécurité fait partie, selon moi, de la stratégie de cette classe sans patrie, qui cherche le démantèlement de la souveraineté des Etats-nations au profit de l’hégémonie des entreprises. La destruction des gouvernements nationaux et des Etat-nations, organisée depuis vingt ans par ceux qui président à l’extension de ce système par l’offensive du secteur financier, n’est pas assimilable à l’idée d’un nouveau type de gouvernement. Le système monde aujourd’hui est plus proche d’un système mafieux transfrontalier global divisé en «familles» rentières.
Dans ce cadre, l’absence de buts politiques d’une guerre est une façon de dire qu’il y a des buts économiques et financiers, sans que l’on puisse rapporter les intérêts en jeu à un Etat-nation particulier. Au Mali on n’est pas devant une «guerre sans fin». Il y a bien ici un but politique qui est la reconstruction d’un Etat laïc et démocratique au Mali et d’une paix saharienne.
Pourtant, François Hollande, en l’appelant «guerre contre le terrorisme», adopte stupidement le vocabulaire de Georges W. Bush et paraît alors n’avoir pas exactement décidé d’affronter un ennemi politique, méritant une guerre. Comme Bush, il croit davantage à une lutte policière contre «le terrorisme». Or les opérations policières, que sont les expéditions basées sur une domination militaire technologique, ne visent qu’à produire des arsenaux derniers cris et à dominer par de nouvelles stratégies: l’informatisation des fonctions d’observation et de ciblage individualisé. Ce sont des guerres délocalisées, et privatisées, par la structure dominante des systèmes financiers.

La guerre au Mali ne doit donc pas être réduite à la «lutte contre le terrorisme»?
C’est une erreur de dire que la «guerre contre le terrorisme» n’est qu’une opération de sécurité. Le terrorisme est une méthode de combat désespéré du faible contre le fort. Cet ennemi faible doit être considéré comme un ennemi politique. La guerre du Mali est donc plutôt une tentative pour restaurer la légitimité des guerres avec fins. La question est de savoir quel est son but politique du point de vue français. Une fois défini, reste à savoir si la France pourra mener les opérations jusqu’à la victoire politique, sans que le cours des choses ne soit influencé par l’aide anglo-américaine, qui s’est manifestée d’emblée comme stratégique.
Comme toutes les guerres, le conflit du Mali ne dira qu’à la fin qui sera le vainqueur. Mais l’expédition française peut être considérée de plusieurs façons, par ses moyens et ses objectifs, et un libre débat est nécessaire pour la dépouiller des «grandes phrases» qui laissent douter des buts réels. En accusant le «terrorisme», on oublie de dire que l’on défend le soufisme contre le djihadisme salafiste pour des raisons de morale politique laïque. Ainsi, on masque le fait que la religion joue aussi un rôle clé dans l’Afrique postcoloniale.

Le but politique précède-t-il l’intérêt économique dans l’intervention de la France au Mali, notamment la protection de l’uranium qu’elle importe du Niger?
La question n’est pas de savoir si cette expédition ne sert pas d’autres objectifs plus économiques, comme la défense des intérêts d’Areva au Niger voisin, source des matières premières nécessaires à l’industrie nucléaire civile française. L’existence de cet objectif est certaine, mais il n’empêche que l’objectif politique constitue un problème en soi: maîtriser, dans l’intérêt général de
l’Afrique, une situation antidémocratique, qui voit l’établissement d’une anarchie religieuse transfrontalière et d’une violence sans fin dans l’ensemble des pays riverains du Sahara. La question politique non moins réelle est de savoir si cet objectif devait être porté par le gouvernement français ou s’il ne pouvait et ne devait pas être avant tout pris en charge comme un problème régional, par les riverains du Sahara. Cette question demeure posée et on ne pourra qualifier historiquement la guerre que par la façon dont l’expédition française cédera le terrain aux Africains le plus vite possible.
Pour ne pas tomber dans la pure dénonciation d’un néocolonialisme français, il est utile de percevoir que l’apparition de guerres asymétriques expéditionnaires n’a plus rien à voir aujourd’hui avec la conquête coloniale et ses restes (Françafrique). Aujourd’hui, la destruction en cours des Etats-nations issus de la décolonisation vise, dans
l’anarchie néolibérale, à libérer partout des forces centrifuges permettant des corruptions ciblées dans le détail par des stratégies d’entreprises. C’est le cas du Mali, un Etat détruit tant par des coups d’Etat militaires que par la corruption réelle d’une partie des élites, y compris par les narco-mafias canalisant à travers le Sahara les flux de drogues importés d’Amérique latine à travers la Guinée Bissau.

Quel est l’intérêt politique des groupes armés combattus par les armées française et africaines?
Politiquement, l’offensive des groupes armés du Nord-Mali est une violence imposant par la terreur l’application de la charia sous sa forme la plus barbare contre les populations civiles musulmanes de tradition soufie, considérées comme ennemies presque «païennes» pour des raisons religieuses ou ethniques. Or cette offensive groupe plusieurs tendances ethniques et religieuses, dont certaines sont hostiles à l’incapacité et à la corruption des gouvernements passés. Certaines de ces tendances peuvent servir à cacher des intérêts aboutissant à la création du désordre visant simplement la destruction de l’Etat malien. Elles servent donc, à terme, un objectif général du système néolibéral que l’on peut considérer comme le mal absolu du point de vue d’une défense de la démocratie et du développement.

Contre ce système néolibéral, vous vous engagez en faveur d’une résistance démocratique. Le printemps arabe a-t-il marqué le premier âge de cette résistance en Afrique?
Oui bien sûr. Le «printemps arabe» tire son nom, en français, du «printemps des peuples», nom des révolutions de 1848-1849 en Europe. Filles de la révolution française, elles ont toutes échoué dans des massacres, mais servent néanmoins d’étapes. La démocratie en langue grecque ancienne ne signifie pas pouvoir issu d’élections libres mais plutôt quelque chose comme «intifada du peuple». Un succès toujours menacé par le retour à l’oligarchie ou la ploutocratie. Donc l’essai raté tunisien, égyptien et libyen, l’effroyable agonie de la Syrie, le martyr sans fin de la Palestine, restent des jalons immortels dans l’histoire de la démocratie et ils ne seront pas oubliés. I

 

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