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30 juillet 2007

JEAN CHESNEAUX

Jean Chesneaux

30 juillet 2007

C'est cet après-midi que Jean Chesneaux est incinéré au cimetière du Père Lachaise à Paris. Je ne peux pas m'y rendre mais j'ai une pensée pour cet homme exceptionnel que j'ai eu le privilège de connaître.

J'ai rencontré Jean Chesneaux en 1989, dans l'association Kanaky-Solidarité qui se réunissait au Larzac. Sa personnalité m'a impressionné et j'ai fait un entretien filmée, pour la maquette d'un film sur sur la Nouvelle Calédonie qui n'a jamais abouti. J'ai eu ensuite plusieurs fois la possibilité de l'apprécier dans des réunions parisiennes.

Et puis un jour, en 1990, je suis arrivé à Nouméa, en provenance d'Australie. Je logeais au Club Mediterranée, le seul hôtel avec des chambres libres, mais où les « gentils membres » n'avaient aucun moyen de communiquer avec l'extérieur puisqu'il n'y avait pas de téléphone dans les chambres ni même dans le hall. Je me suis donc rendu dès le lendemain à la poste et la première personne que j'aperçois est Jean Chesneaux, avec son grand chapeau australien.

Nous nous saluons. Il venait de passer quelques jours en Nouvelle Calédonie et devait partir le lendemain. Je n'avais pas encore repéré la ville et c'est Jean Cheneaux qui me l'a fait découvrir. Immédiatement je me suis rendu compte que j'avais la chance d'avoir un guide hors du commun. De la brasserie Saint-Hubert ( aujourd'hui fermée) où se réunissaient tous les informateurs de la ville, aux demi-lunes laissées par l'armée américaine, Jean Chesneaux m'a fait revivre l'histoire de cette ville coloniale. Je n'ai pu enregistrer que quelques bribes de cette présentation mais cela m'a suffit, le lendemain, pour m'orienter et poursuivre les contacts que Jean Chesneaux m'avait donnés. Toutes les personnes avec lesquelles il était en relation étaient des personnes qui avaient quelque chose d'intéressant à dire.

Nous nous sommes retrouvés à Paris, dans de nouvelles réunions. J'ai pu enregistrer une conférence de Jean Chesneaux sur le Pacifique.

Un jour je reçois un coup de téléphone de sa part: «  Bernard, est-ce que tu voudrais assister à une Assemblée Statutaire de Greenpeace-France dont je suis le président? » Je lui réponds: « Volontiers, d'autant plus que je suis un adhérant de Greenpeace, et que l'aspect international de Greenpeace m'intéresse plus que tout. Je suis également un admirateur de l'action non-violente ».

Manque de chance, à cause de mon travail d'intermittant du spectacle, dans l'impossibilité de prévoir mon emploi du temps à l'avance, je me trouve contraint d'annuler ma participation à cette réunion. J'envoie un fax d'excuse à la secrétaire et un à l'adresse du président Jean Chesneaux. Ce fax ne lui parvient pas et il m'appelle au téléphone dès le lendemain. «  Bernard, je t'ai attendu à la réunion de Greenpeace. Tu n'es pas venu. Greenpeace est une organisation sérieuse et qui doit être rigoureuse car nous avons des ennemis puissants. Alors si tu n'es pas sérieux, dis-le moi tout de suite. » Devant cette injonction je comprends mieux le caractère de Jean Chesneaux. Je lui apprends que j'ai envoyé un fax d'excuse et nous prenons rendez-vous pour la prochaine réunion. Alors là, pas question de l'annuler!

Je découvre alors, grâce à Jean Chesneaux, une organisation écologique exceptionnelle, dont je fais encore partie aujourd'hui. J'ai donc assisté à plusieurs rencontres avec Jean Chesneaux. J'ai apprécié ses interventions savantes, sincères, engagées et courageuses face à un public difficile de militants à l'esprit critique.

Parfois, entre deux réunions, il s'échappait pour respirer et parler d'autre chose. Je me souviens d'une réunion à Granville. Il m'a demandé en fin d'après-midi de l'accompagner dans la vieille ville qu'il connaissait pas coeur. Il m'a conseillé d'acheter une spécialité dans un magasin qu'il connaissait. Il connaissait toute les spécialités régionales et m'a beaucoup amusé quelques années plus tard quand il m'a conseillé une boucherie musulmane près de la Porte de Montreuil, siège de Greenpeace France, où il achetait le meilleur agneau de Paris et à un prix intéressant. J'ai suivi ses conseils et je ne l'ai pas regretté. Je n'ai d'ailleurs jamais regretté d'avoir suivi les bons conseils de Jean Chesneaux qui aimait dispensé son savoir avec générosité. Son savoir savant mais aussi son savoir pratique, sur les vins, les plats, les régions, les pays...

Mais j'ai un grand regret, maintenant qu'il est décédé: c'est de n'avoir pas pu enregistrer d'autres récits de sa vie. Je découvre dans un très bon article de la Revue Urbanisme, un article de Thierry Paquot, qui retrace sa vie d'historien engagé. Et je me dis que j'aurais pus l'interroger sur quantité de sujets passionnants: le Vietnam, la Chine, le communisme, mai 68...

Jean Chesneaux n'était pas un homme tourné vers le passé mais un homme tourné vers le futur et même vers le science fiction. Fin connaisseur de Jules Verne, il savait anticiper et avertir des dangers qui menacent les générations futures.

Comme de nombreux militants nous lui devons beaucoup et nous ne l'oublierons pas.

Texte de Thierry Paquot:



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n° 341




Invité
Jean Chesneaux

Lire l'article in extenso...

 

 

À deux pas du Jardin des Plantes, dans une maison de ville, l’historien Jean Chesneaux, né en 1922, nous accueille aimablement. Chevelure à la Léo Ferré, chandail épais et confortable, pantalon de velours, il s’installe dans un fauteuil et entreprend de répondre à nos questions. Il nous confie, off the record, qu’il sait qu’une fois encore il va se piéger lui-même à raconter trop en détail ce qui n’est pas si important et à sauter ce qui mériterait de plus amples développements. Est-ce une coquetterie d’excellent parleur ? Car Jean Chesneaux parle bien, mieux il relate, c’est-à-dire qu’il donne sens au récit et effectue des allers-retours entre l’hier évoqué par les souvenirs et le présent et ses questionnements inédits. C’est sa “modernité” qui m’a fait lire Jean Chesneaux. Une modernité-monde, pour reprendre le titre d’un autre de ses essais, qui décrivait, il y a vingt ans, ce qu’on nomme dorénavant la “mondialisation”, mais en associant aux mouvements de l’économie planétaire ceux des nouvelles technologies, des mutations sociétales, des dynamiques culturelles. C’est un éclaireur. Ni un docte ni un donneur de leçons. Cheminer en sa compagnie rend compréhensible ce temps présent qui par nature se métamorphose subrepticement en passé, alors qu’il fut aussi, fugacement, l’espérance d’un devenir. Un éclaireur ? Peut-être aussi et surtout un voyageur. Un routard de la pensée, qui connaît les bons auteurs et les bonnes adresses et tient à jour son carnet de bord. Qu’il nous guide dans ses propres errances !
par Thierry Paquot

. . .

 

 

Bibliographie sélective :

- Contribution à l’histoire de la nation vietnamienne, Éditions sociales, 1955.
- Le Mouvement ouvrier chinois de 1919 à 1927, Mouton, 1962, rééd. éditions de l’EHESS, 1999.
- Les Sociétés secrètes chinoises aux xixe et xxe siècles, Julliard, coll. “Archives”, 1965.
- Le Viêtnam. Études de politique et d’histoire, Petite Collection Maspero, 1968.
- Histoire de la Chine contemporaine, ouvrage collectif, Hatier, coll. “Histoire contemporaine”, 4 vol., 1970-1977.
- Une lecture politique de Jules Verne, Maspero, 1971, rééd. 1982.
- Tradition et Révolution au Viêtnam, ouvrage collectif, Anthropos, 1971.
- Du passé, faisons table rase ? À propos de l’histoire et des historiens, Maspero, 1976.
- Le PCF, un art de vivre, Lettres nouvelles/Maurice Nadeau, 1980.

- En avant vers de nouvelles aventures, dix années de luttes populaires en bandes dessinées, 1970-1980, ouvrage collectif, Larzac-Université, Millau, 1980.
- De la modernité, François Maspero-La Découverte, 1983.
- Transpacifiques, La Découverte, 1987.
- Modernité-monde, La Découverte, 1989.
- La France dans le Pacifique, de Bougainville à Mururoa, La Découverte, coll. “Cahiers libres”, 1992.
- Habiter le temps, Bayard, 1996.
- Carnets de Chine, 1988, 1995, 1998, La Quinzaine littéraire-Louis Vuitton, coll. “Voyager avec”, 1999.
- L’Art du voyage, Bayard, 1999.
- Jules Verne, un regard sur le monde, Bayard, 2001.
- L’Engagement des intellectuels 1944-2004. Itinéraire d’un historien franc-tireur, Privat, 2004.

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